Des écharpes tricolores en pagaille, au milieu des drapeaux rouges, et de moins nombreuses, mais bien présentes, écharpes vertes. Les élus sont-ils venus chanter le chant du cygne ? M-real peut-il encore être sauvé ?
"En 2000, il y avait 2500 personnes qui travaillaient ici". C'est ce que nous explique notre guide. Nous avons été accompagnés pour assister à une
opération "Portes Ouvertes" organisée par les salariés de l'entreprise M-Real, ce samedi 29 octobre 2011. Les employés ont tenu à nous montrer leur savoir-faire, et l'excellence de l'entreprise et de ses employés.
Ils sont encore 330 pour la seule entreprise M-Real. Ils sont le double en prenant en compte les emplois directement menacés par la fermeture. Ce sont autant de familles qui sont dans la souffrance et le combat.
Comment croire que ces machines en parfait état de marche vont partir à la ferraille ? Qu'on se débarrasse de cet outil performant et de cette filière quand elle devient écologique. Nous allons désormais importer le papier recyclé !
Tous les politiques, de tous bords, et toutes les femmes et tous les hommes politiques nous promettent la ré-industrialisation. Commençons par ne pas dés-industrialiser des entreprises qui marchent !
C'est une vision uniquement financière, sans aucune prise en compte des conséquences humaines, sociales et environnementales. Les conséquences sociales sont dramatiques pour les salariés et leurs familles, dans une région déjà dévastée par le chômage.
On nous parle de ré-industrialiser la France. Comment croire ces belles paroles quand on abandonne
une industrie d'avenir, qui marche, avec un équipement moderne, dont les stocks sont pleins, et qui est capable de redémarrer a production sur le champ, comme ont pu le constater tous les visiteurs de cette opération portes-ouvertes. C'est concret, c'est une industrie en reconversion écologique, qui fabriquait 40 tonnes de papier par heure, soit 6% de la production européenne.
Dès le matin, il y avait de nombreux militant(e)s, syndicalistes, élu(e)s et habitant(e)s pour venir défendre l'entreprise et ses salariés. Il étaient nombreux du NPA, il y avait des militants du PCF, des syndicalistes dont la CGT très représentée, des militants EELV, et des élus locaux, Karima Delli, députée européenne, et un candidat aux présidentielles, Philippe Poutou.
Dans l'après-midi, c'est le ministre Bruno Lemaire qui sera présent à cette opération portes-ouvertes, accompagné du préfet et de la sous-préfète. Et le député de la 4ème circonscription Francois Loncle.
Au-delà des élus et des militants, ce sont aussi les familles et les habitants de la région qui sont venus visiter l'usine, et qui ont manifesté leur incompréhension et leur colère de voir mettre à la casse un tel outil.
C'est ce qu'a exprimé Karima Delli, députée européenne écologiste, membre de la commission de l'emploi et des affaires sociales, présente aux côtés des salariés ce matin.
Après avoir dit sa colère, Karima DELLI a dénoncé l’inaction politique du ministre Bruno LE MAIRE, député de l’Eure, qui a pris en charge ce dossier. Sans résultat.
N’est-ce pas lui, a-t-elle souligné, qui comme délégué général au projet au sein de l'UMP, est en charge du programme présidentiel pour les prochaines élections ? Quelles sont donc les solutions de la majorité sur ce terrain concret de l’emploi ?
L’Etat reste impuissant face au groupe finlandais. Son rôle est de forcer l’entreprise à vendre pour que les emplois et l'activité perdurent.
Un Etat impuissant face à un groupe qui refuse de vendre pour éviter la concurrence ?
On peut s'interroger aujourd'hui sur les perspectives de croissance des productions de papiers et de pâtes en Europe : M-Real Alizay est une des dernières unités de production de pâte/papier intégrées en France. Avec 6% de la production européenne réalisée sur le site, il nous faudrait désormais importer tout ce papier, si l'usine venait à fermer. Nous creuserions alors encore plus notre balance commerciale et le chômage, notamment dans une vallée déjà durement touchée.
C'est aussi toute une filière bois qui est en danger : en juin 2009, trois cents ouvriers forestiers venus de tout le Grand Ouest avaient bloqué l'accès à l'usine, craignant pour la fermeture du site et leurs emplois. M-Real Alizay consommait 150.000 tonnes de bois par mois, 20% de la production de bois normand.
Les prix des pâtes mettent l'usine en condition d'équilibrer les comptes aujourd'hui. Le problème reste que la production est dépendante de ces phénomènes externes, puisqu’à la place de choisir des filières courtes la pâte vient en totalité d’Angleterre.
Les solutions proposées ne tiennent pas compte d’une filière à partir de papier recyclé du fait que la filière sur la région n’est pas structurée. Et parce que Veolia ne veut pas différencier les papiers, en triant le papier blanc encré en noir des autres papiers.
Deux repreneurs, un groupe industriel thaïlandais et un groupe français acceptent toutes les conditions du groupe finlandais, mais celui-ci refuse toutes les offres.
Sur les dizaines de repreneurs qui se sont proposés au départ, il reste deux repreneurs : Un français d'abord, Fin Activ, et un groupe Thaïlandais, Double A.
Les deux groupes ont accepté toutes les conditions du groupe finlandais. Ils ont tous deux toute légitimité pour assurer la poursuite de la production du site. Et tous deux ont les moyens de garantir le maintien de la filière papier en France. Et donc l'assurance de débouchés pour la filière bois.
Le 3 octobre devait être annoncée la fermeture ou la reprise du site. La société M-Real a repoussé au 13 octobre les négociations. Les négociations sont difficiles avec les deux repreneurs. Pour M-Real, ceux-ci ne veulent pas signer une clause de garantie d’activité de 2 ans qui protègerait M-Real sur les coûts de dépollution du site.
En réalité, selon
l'usine Nouvelle, et comme tout le monde le pense, M-Real n’aurait a priori jamais eu l’intention de vendre son usine, les papetiers européens ne souhaitant pas voir arriver sur le marché un nouveau concurrent.
Mercredi 19 octobre 2011, lors de la séance de questions au gouvernement, Eric BESSON, ministre de l'industrie, a assuré que la préfète de l'Eure, allait prendre une initiative « dans les heures qui viennent » susceptible de placer les propriétaires de l'usine M-Real devant leurs responsabilités.
Lundi dernier, les salariés se sont rendus en car à Paris pour appuyer la réunion de médiation avec le Thaïlandais « double A » que le PDG de M-Real, M. Mikko Hellander, a finalement acceptée. Mais la situation se retourne, et M. Hellander décide de ne pas se rendre au rendez-vous avec le ministre Bruno Lemaire, et stoppe toute négociation. C'est un camouflet pour le Gouvernement.
Karima DELLI propose au collectif pour la défense du site d’interpeller de nouveau le ministre sur ce sujet.
C'est historique : tous les partis politiques français, NPA, Front de Gauche, EELV, PS, NC, UMP, tous les syndicalistes, les élus locaux, les salariés, les habitants sont d'accord.
Tous les partis politiques, de la gauche à la droite, le gouvernement, les salariés et élus sont d'accord, et l'Etat ne pourrait rien faire ? Ou pourrait ne rien faire ! D'accord sur tout pour sauver l'entreprise, les emplois, la filière papier en France, la filière bois. C'est un site de production stratégique pour la région, pour le pays, qu'on s'apprête à mettre à la casse.
Si face à cette union et cette communauté d'intérêt, quand tout le monde est d'accord, face aux pouvoirs publics et aux élus aux pouvoirs, une entreprise peut tenir tête à tout le monde et faire plonger un peu plus les comptes de la nation dans le rouge, alors le gouvernement en place devra dire son impuissance. Si un groupe comme Metsäliitto peut faire capituler un gouvernement alors que des solutions existent, il faudra se faire à l'idée qu'il ne pourra rien face à des groupes transnationaux, avec des enjeux autrement plus coûteux...
Si l’Etat français est impuissant, il faut monter un cran au-dessus, a proposé Karima DELLI. Elle a invité une délégation au Parlement européen dans les semaines qui viennent (date à suivre sous 2 semaines). La députée propose d’y interpeller la commission de l'emploi et des affaires sociales dont elle est membre, ainsi que la commission des affaires économiques, chargée des questions de politique économique et monétaire de l'Union, et notamment des règles de concurrence et des aides d'État aux entreprises.
Rendez-vous est pris : En Normandie, à Paris, à Bruxelles, pour défendre l’emploi et une industrie locale d’avenir. Sauvons le site d'Alizay. Sauvons les salariés. C'est une mesure d'utilité publique. Ne pas le faire est un aveu d'impuissance. Un bien fâcheux exemple.