Accueil > économie locale > Les grévistes de l’entrepôt Pallio de Saint-Pierre du Vauvray s’expliquent…
C’est par une matinée d’été bien grise que nous avons rencontré les cinq grévistes de l’entrepôt «Pallio» à Saint-Pierre du Vauvray. Le désespoir causé par les licenciements économiques était palpable.
Salvador Da Silva a commencé à travailler pour Labelle en 1966. Il avait 16 ans et vivait alors au Vieux Rouen. C’était son premier emploi. Presque toute sa carrière, Salvador l’a faite au bureau d’études. Depuis le rachat de Labelle, il a travaillé au bureau, puis en usine. Ensuite il a assumé des fonctions commerciales, et enfin travaille maintenant à l’entrepôt de Saint-Pierre. Salvador a travaillé 43 ans sur ce site.
Didier Moulin a 48 ans. Embauché le 3 août 1976 (« c’était un mardi », nous dit-il) comme emballeur, il travaille pour l’entreprise Labelle depuis 33 ans. Comme Salvador, Didier a commencé à 16 ans. Et lui aussi n’a connu qu’une seule entreprise.
Cyriaque Prevost, 44 ans, travaille ici depuis 1982. Entré comme assistant, il est depuis 10 ans responsable d’entrepôt. Pour tous c’est plus ou moins la même histoire, et pour Cyriaque, il s’agit aussi de son premier emploi, qu’il assume dans la jovialité depuis 27 ans.
Rosa-Marie Buarte, elle aussi Saint-Pierroise, et magasinière depuis janvier 1982. Chez Labelle, devenue au long des rachats, Labelle du Vauvray, puis Tachon et enfin Pallio.
Mauricette Bucket est préparatrice des commandes depuis 1987. Elle a un parcours un peu atypique par rapport aux autres, puisqu’elle a déjà été licenciée économique en 2005. Mais elle sera réembauchée en 2008, toujours comme préparatrice des commandes.
Pour toutes ces personnes, la nouvelle est tombée comme un coup de massue le 17 juin 2009 : licenciement économique !
« Nous ne comprenons pas », nous dit Rosa-Marie, « il y a 6 mois, on nous a demandé de faire des heures supplémentaires, le soir et le samedi. Et là on nous licencie, alors qu’il y a 6 mois de travail dans cet entrepôt ! »
Effectivement, il reste 80.000 paires de chaussures dans l’entrepôt de Saint-Pierre du Vauvray. Qu’il faudra trier, ranger, emballer et qu’il faudra préparer pour les commandes.
« Ce que nous voulons c’est finir notre travail correctement ! », nous assure Mauricette.
C’est le sentiment que l’on a quand on les rencontre. Tous les cinq sont d’une grande gentillesse. Ils ne manifestent aucune colère, qui serait pourtant compréhensible. Pour défendre leur travail, ils se sont mis en grève. Pour qu’on les laisse finir leur mission.
Tous ont passé leur vie dans cette entreprise, et ils connaissent les difficultés du secteur d’activité. Chacun et chacune sait que le licenciement est inéluctable. Mais ils ne comprennent pas pourquoi ce stock énorme de chaussures serait envoyé pour être traité ailleurs, alors qu’ils ne demandent qu’à le faire. C’est une question de conscience professionnelle et d’honneur. Il veulent tous quitter l’entreprise lorsque cette ultime mission sera finie. Tout sera rangé, proprement, dans l’entrepôt comme dans leur vie. En leur volant ce dernier travail, c’est leur vie qu’on leur vole.
Lorsque nous quittons le groupe, les filles qui jusque là avait contenu leurs larmes pour nous afficher des sourires, n’ont pas pu résister à se sécher les yeux. C’est une journée d’été bien grise…
Jérôme Bourlet
Les 5 de l’entrepôt Pallio de Saint-Pierre on été finalement jetés, comme des chaussettes sales, après une vie au service de Labelle, devenue Pallio entre temps.
Facile de cacher 5 chaussettes au milieu de 80.000 paires de chaussures !
Espérons que les 5 seront épaulés par le Pôle-Emploi, souhaitons-leur bonne chance pour retrouver un nouvel emploi.
nono
INTERESSANT
GERALD
Bonjour,
je suis le petit-fils de José Esteves. Mon grand-père a bien connu l’entreprise Labelle à Saint-Pierre du Vauvray car il y vécut et y a travaillé une grande partie de sa vie avant de retourner, au moment de sa retraite, au Portugal auprès de sa famille.
Ces années passées dans cette usine l’ont vraiment marqué et il en a des souvenirs pleins la tête, il en parle encore aujourd’hui. Il connaissait bien et il était très proche de la famille Labelle.
Apprendre l’histoire tragique de cette entreprise a bouleversé mon grand-père. J’aimerais beaucoup retrouver un peu de cette époque: les membres de cette famille, les autres ouvriers qui ont connus mon grand-père.
Si à tout hasard, vous avez connu mon grand-père ou si vous connaissez des personnes de sa génération, je suis persuadé que vous rendrez mon grand-père heureux en lui donnant quelques nouvelles, ou un simple petit mot !
Voici mes coordonnées :
Victor Fernandes
36 rue de Chabrol,75010 Paris,
France
Tel.+33(0)6 63 91 28 59
Email. fernandes.v@hotmail.com
Dans l’espoir d’un petit signe…
Je souhaite à tous les derniers salariés de l’entreprise du courage, et bonne chance pour la suite.
Avec toutes mes amitiés,
Victor
Victor Fernandes Esteves
Bonjour à tous,
en 64, j’avais 14 ans et j’ai travaillé dans cette usine jusqu’en mai 65. J’étais au tapis 10 et j’encollais les semelles à la main avec un pinceau que je trempais dans un pot. On avait une boîte de vide (boîte : panier suspendu contenant 8 paires de chaussures je crois) sur le tapis au milieu de la matinée afin de nous permettre d’aller aux toilettes. Ce qui était parfaitement impossible, vu qu’on était en retard en permanence. J’imagine pour les femmes…
Mon contremaître était monsieur Carrière. Il y avait aussi Bernard Germaine, un responsable. Sur le tapis 10, une femme nommée Pulchérie devait être près de la retraite. Je me souviens également d’une femme brune avec une blouse bleue à carreaux qui se prénommait Madeleine.
J’ai encore en tête cette odeur de solvant dans toute l’usine.
Le midi, après le repas, on montait à la “cafétéria” où on pouvait acheter des sodas “Primerose” orange, citron, pamplemousse, pendant que le juke-box passait des chansons de Sheila ou de Johnny.
Souvenirs, souvenirs …
Jean-Pierre