Au Conseil régional, lors de la plénière du 19 février 2018, les scénarios de la commission Duron (Conseil d’Orientation des Infrastructures), et le très controversé rapport Spinetta ont jeté un pavé dans la mare : le président du Conseil, Hervé Morin, s’est satisfait d’enfin financer l’autoroute entre Évreux et Chaufour-lès-Bonnières (Yvelines), une 2×2 voies avec 5 échangeurs, dont le chantier reviendra à la Région Normandie, puis dont l’exploitation sera remise à l’État. Celui-ci le concèdera-t-il à la SAPN ?
En marge de cette autoroute, il regrette le sort de l’A28-A13 (renommée A133-A134), que la commission pourrait lui infliger en reléguant aux calendes – un abandon ! – ce mauvais projet dans le premier scénario, estimé à 48 milliards d’euros pour l’État.
Avec une autoroute entre l’Eure et l’Eure-et-Loir : Orléans (Allaines)-Évreux (Nonancourt), qui sera concédée “peut-être” à la SAPN ; et une autre entre Évreux et Chaufour-lès-Bonnières, la SAPN ne peut que désirer ardemment cette A28-A13, puis le tronçon entre Évreux et Rouen, seule route et seul moyen de transport entre les deux préfectures normandes.
Que les Ébroïciens, peu concernés jusque là semble-t-il par l’A28-A13, réfléchissent à l’attractivité de leur ville, enclavée d’autoroutes. Imaginent-ils qu’ils devront peut-être payer un péage pour se rendre à Rouen, pour le boulot, les études, le shopping, la culture ou la santé ? La RN 154, nous l’avons déjà payée avec nos impôts sonnants et trébuchants, pourtant.
Mais c’est aussi la farce que dénonce Hervé Morin, avec un financement de 50 millions € pour moderniser les ports normands de Rouen et du Havre, alors que ce sont des centaines de millions € qui seraient nécessaires, selon Hervé Morin, pour moderniser le seul port du Havre.
Le sujet du canal Seine-Nord-Europe, qui ferait d’Anvers un (ou le) port de Paris, est un sujet qui ne sera qu’effleuré, mais dans tous les esprits…
Avec le rapport Spinetta, qui vise à privatiser la SNCF, à fermer les petites lignes jugées non rentables, à en finir avec le statut des cheminots, c’est le sort du ferroviaire qui est en jeu. Quant à la SNCF, n’oublions pas que celle-ci n’est plus qu’une holding qui chapeaute deux établissements : SNCF Réseau et SNCF Mobilités. La dette de 46 milliards € détenue par SNCF réseau, doit beaucoup aux TGV, si chers aux grands élus, au nom de l’attractivité. Le rapport Spinetta insiste pour que l’État reprenne à son compte cette dette faramineuse afin de transformer SNCF Réseau en SA débarrassée de sa dette – qui reviendra de facto aux contribuables.
Pas la SA qui sera, elle, privatisée.
En outre, la SNCF pourra se libérer des transports qui rendent un service public mais entrent en concurrence avec ses propres filiales, privées ou non : Geodis (géant du transport routier), Keolis (transports urbains), Ouibus (cars Macron), Ouigo (trains low cost, mais avec des opérateurs cheminots), Systra (tramways, métros,…), Arep (bâtiment et aménagement), Effia (parkings), etc, etc. Avec plus d’un millier de filiales, la SNCF réalise un tiers de son chiffre d’affaires à l’étranger, en complémentarité ou en compétition avec le train. Elle réduit la voilure sur le service public et les lignes.
L’État veut privatiser, mais les contribuables devront passer à la caisse. Les usagers – pardon : les clients – paieront aussi.
Jean-Cyril Spinetta, Haut fonctionnaire, qui fut PDG d’Air Inter de 1990 à 1993 (dont la fusion avec Air France commença en 1990, pour se terminer en 1997) puis chargé de mission auprès du président Mitterand, préfet, …, et PDG d’Air France de 1997 à 2008, compagnie qui fut alors privatisée.
De 2009 à 2013, il devient président du Conseil de Surveillance d’Areva, au moment du scandale d’Uramin (1,8 Md €, mine de rien).
Rappelons-nous ce que disait Le ministre de l’Économie des finances le 12 juillet devant la commission des finances :
“La gestion d’AREVA, depuis quelques années est un véritable scandale républicain. Ce n’est même pas de l’impéritie ou de la mauvaise gestion, c’est de la dissimulation systématique. Je trouve cela proprement révoltant.” C’est à lui qu’est confiée la mission de donner le chemin pour redresser et privatiser la SNCF. Même pas peur. Enfin, si…
Parole aux élus sur les grandes infrastructures envisagées, ou en passe d’être abandonnées :
Désenclaver la Normandie ! Hervé Morin fait sa déclaration de politique générale sur les infrastructures :
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Les aéroports de Rouen, Caen, le Havre : on se souvient combien le candidat à la présidence de la région était pour l’aéroport unique à Deauville, pour raison de coût et d’efficacité. L’eau a coulé sous les ponts : nos élites ont besoin d’un service premium pour d’élitistes séants.
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La route (ou l’autoroute) avec deux chantiers : Se déclarant toujours opposé à l’État jacobin, Hervé Morin fait le choix des grandes infrastructures et de la route. C’est la région normande qui prendra en charge le chantier de la mise en 2×2 voies Évreux-Chaufour, même si la compétence est nationale, et qu’il relie l’Île de France à la Normandie.
Avant de remettre à l’État qui l’exploitera. Il n’est plus donc question d’une concession à la SAPN, sauf 2 km – sauf si bien sûr l’État le concède à son tour.
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Route encore, et ZAC en prime : La région et le département du Calvado financeront en outre la mise en 2×3 voies de Pont-l’Évêque à Dozulé, et un demi échangeur à la Haie Tondue, à hauteur de 1,5 M€.
Réclamé par l’intercommunalité, cet échangeur permettrait d’économiser soi-disant 14 km, (sans doute beaucoup moins en fait) en évitant Pont-l’Évêque (pas vraiment Pont-l’Évêque, mais l’échangeur de l’A13 au sud de Pont-l’Évêque) pour emprunter plutôt 2 toutes petites départementales de campagne – plutôt que celle munie de bande de dépassement, terre-plein central, etc. Qui préférera une petite route sans aménagements, plutôt qu’une une route spacieuse, aménagée, permettant de doubler pour rejoindre l’A13 facilement, avec moins de risques, plus vite aussi, pour… quelques kilomètres ?
Un détour par les petites routes de campagne ? (D45)
…au milieu des hameaux, sur des routes non sécurisées (D16)
…ou ligne droite avec voie de doublement ? (D579)
La réponse est sans doute ailleurs : l’autre intérêt, l’intérêt principal de l’intercommunalité est économique. Point de vue CCI et politique. Une ZAC est prévue ici, en plein champ, depuis 2008. Pour la construction mais aussi la spéculation, en développant une nouvelle ZAC à la Haie Tondue précisément (dans les pointillés rouges sur la photo ci-jointe ->
cliquez sur le photo pour agrandir).
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Côté ferroviaire, Il se conforte d’avoir repris la gestion des trains intercités dès 2020, même si cela conduit à doubler le tarif sur certains trajets essentiels pour les usagers normands.
Trop cher, cela risque de ne pas favoriser le report modal, bien au contraire, avec un report du train vers l’automobile. A l’encontre des soi-disant objectifs des villes et métropole.
Cela en contrepartie de l’achat de 40 rames pour les lignes Paris-Rouen-le Havre et Paris-Caen-Cherbourg par l’État, mais aucune contrepartie sur les déficits d’exploitation.
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LNPN : tout ou rien. Hervé Morin tance notre “bon vieil État stratège”, le saucissonnage de la LNPN, “c’est à dire purement et simplement son enterrement !”
Il n’a pas peur semble-t-il que le bras de fer tourne au rien. Or, ce qu’attendent des usagers du train normands, c’est bien le doublement du Mantois, pour des trains qui redeviennent ponctuels. Ce n’est pas un saucissonnage, mais un phasage : d’abord le Mantois, puis la gare Saint-Sever, et pour le reste… ce sera déjà bien.
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Abandon des petites lignes ferroviaires : M. Morin regrette comme tout le monde l’abandon par l’État de la ligne Paris-Granville au delà d’Argentan, de la ligne Granville-Rennes, celles du Mans-Alençon.
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Il regrette le report à quelques années de la liaison A28-A13 dans un des scénarios Duron. Ce qui pour le coup signifiera un enterrement bienvenu pour les populations. Reste que “le rapport Duron n’est plus d’actualité”, a dit le président Macron au retour d’un voyage en Corse, “Au moins pour ce qui concerne l’Ouest”.
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Le budget du port tourne à la farce ! Les 50 millions proposés pour moderniser les ports sont pour lui une farce. Plusieurs centaines de millions d’€ seraient nécessaires pour le seul port du Havre entre les quais et la chatière. Tiens, sur les 3 propositions offertes en débat au public, Hervé Morin a fait le choix de la chatière. Le plus onéreux, le moins sûr. C’était bien la peine de faire un pseudo débat public.
En septembre 1995, le président de la République, Jacques Chirac, élève le projet de Port 2000 au rang de « projet d’importance économique nationale d’un intérêt public majeur » Le choix est fait de construire Port 2000 vers l’estuaire, permettant aux armateurs de gagner du temps en évitant l’écluse, qui aurait pu être bloquée pour des raisons techniques ou sociales… et 100 millions € d’économie.
Les difficultés n’ont cessé de s’accumuler jusqu’à l’inauguration en 2006.
Mais ce qui nuit véritablement au port, c’est l’insuffisance des dessertes fluviales, ferroviaires, et routières connectées à Port 2000. Sans parler de la CIM, 5 millions de tonnes de matières dangereuses tout au long de Port 2000.
Mais le pire de tout c’est que pour un port à la fois fluvial et maritime, les navires fluviaux n’ont pas accès au port maritime de Port 2000.
Un défaut originel de conception que n’ont jamais su résoudre les pouvoirs publics, l’élite de nos ingénieurs, ni les autorité du port. Nouvel échec de « la plus grande plate-forme multimodale de France ” ouverte en 2015 pour un coût de 137 M€, dont 87,5 % d’argent public : le
Havre Terminal Exploitation dépose son bilan dès le 23 octobre.
Dernier espoir pour rendre le port compétitif, à l’instar des ports du nord de l’Europe : la chatière qui permettrait aux transports fluviaux d’éviter les effets de la houle, et de relier la Seine au port maritime. Avec les 50 millions d’aide accordées par l’État pour la modernisation des ports ?
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Pas un mot sur la gouvernance des ports, où le premier ministre et ancien maire du Havre, Edouard Philippe, a une vision plus régalienne pour mettre fin à la concurrence des ports, tandis que la Région voudrait devenir “chef de file de ses ports” pour faire sa “révolution économique” !
Rien de moins. Pendant ce temps, la restructuration des opérateurs, de plus en plus concentrés, et investissent dans les grands ports, et se spécialisent ou pratiquent l’intégration verticale, au détriment de la logique territoriale.
Il n’y a pas que le Conseil de surveillance, mais aussi les directions générales des ports français, monopole des X-Ponts, avec un turn-over rapide, mais des résultats qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
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Canal Seine-Nord qui figure bien dans le rapport Duron, au moins pour la partie Creil-Compiègne : Pas un mot sur le Canal Seine-Nord. Le sujet est pourtant de taille. Le rapport Duron annonce la réalisation de Mageo (Mise Au Gabarit Européen de l’Oise – 4400 t.). Celui-ci ne fait qu’annoncer la réalisation du canal, dont il ne serait que le débouché.
Au détriment de l’axe Seine, il est vrai. On ne peut pas ne pas en tenir compte.
Conclusion : Face à la destruction du fret ferroviaire, soutenue par tous les partis de gouvernance, face à la chute inéluctable du fret fluvial sur la Seine, État et régions ne cessent de subventionner la concurrence par camions.
Si la région veut faire de ses ports un poumon économique compétitif, il faut garder conscience des spécificités des ports : l’un spécialisé dans le vrac céréalier, l’autre assumant un vrac liquide à hauteur de 40%. Le trafic d’EVP stagne.
Le trafic baisse dans le GPM du Havre, tandis que dans les ports du Nord le trafic est en hausse constante, au point que le tonnage du port de Rotterdam représente près du double de celui des sept ports maritimes français conjugués.
Même Amsterdam, qui représentait les deux tiers seulement du tonnage du Havre, l’a dépassé.
Les avantages des ports du nord ? De l’investissement, de l’efficacité, et… du fret fluvial et ferroviaire, quand les ports français sont toujours à 86% de fret routier.
La mise au gabarit européen de l’Oise et du canal, c’est 4400 t/ navire, soit 125 camions.
Pour le ferroviaire, hormis acquérir les rames les plus confortables, mais dispendieuses, on laisse tomber le réseau, en disant que c’est la faute de l’État exsangue.
La faute est partagée : dans quoi investit la Région ? Les autoroutes, les concessions, le BTP.
C’est une grosse opération de privatisation, mais pas le choc d’investissement nécessaire pour les ports et le fret fluvial et ferré. Ni la route du blé ferroviaire, ni le Rouen-Évreux, il n’y a rien. Des fermetures. De lignes, de gares.
Derrière tous ces mots – ports, fluvial, train -, il ne reste aux contribuables que le financement des autoroutes.
La réalisation du canal Seine-Nord sera peut-être un choc crucial pour la région pour moderniser de toute urgence le port du Havre, ou continuer son déclin.
Il y a de bonne chances qu’Anvers devienne le principal port de Paris, et Dunkerque mise sur sa vocation céréalière. Une révolution économique.
Au final, derrière tous ces mots, toutes ces volonté politique affichées, que reste-t-il ?
Des rames neuves concédées par l’État, mais sans aide sur les pertes d’exploitation,
des portiques à PSL qui laissent interrogateurs, sinon médusés,
et des subventions pour les travaux d’agrandissement du réseau SAPN.
Et la farce de l’État sur la modernisation des ports.
Laetitia Sanchez, EELV : le train, les transports collectifs, le vélo, l’engorgement des villes et les déchets.
Hervé Morin se veut de président au service des Normands. Mais c’est une vision économique, au service des milieux économiques, au détriment des autres compétences.
Ces compétences, c’est directement auprès des Normands, des usagers du service public et de l’environnement.
Sur les déchets, d’abord les éviter. Puis trier à la source, recycler, valoriser, au lieu de brûler en rejetant plus de 2000 molécules en sortie de cheminée. Dangereux cocktail. Ce n’est pas la dose qui est mortelle, mais le temps d’exposition.
Il faut donc trier et recycler les plastiques et autres matières, plutôt que de les brûler ou les épandre dans les champs. En cas de fréquent dépassement de norme, on enfouit. La Région est désormais chef de file en matière de déchets, et en même temps de la lutte contre le dérèglement climatique : qu’elle prenne ses responsabilités, avec les EPCI.
Sur les transports, c’est le tout routier qui est la feuille de route de la Région d’Hervé Morin : certes 40 nouvelles rames, la compensation de l’État pour les déficits du ferroviaire à venir, mais quelles mesures prise pour améliorer le réseau ou favoriser le report modal ?
- Suppression des aides régionales aux pistes cyclables et aux transports collectifs,
- Le car passe au prix du train,
- Le prix de certains billets double sur les trajets de 25 à 50 km grâce à une prétendue simplification. En 2020, tous les trains seront concernés.
- Suppression des “petites” gares pour les trains régionaux – pour une région qui reproche à l’État de supprimer les petites lignes.
Il faut au contraire rouvrir aux voyageurs les lignes qui sont rénovées pour favoriser le fret (Etrepagny-Pont-de-l’Arche – une gare qui va être fermée au voyageurs) ; la ligne Rouen-Évreux, pour laquelle il n’existe aucune alternative, sauf par route – et peut-être bientôt autoroute si les milieux économiques se sont entendus.
Il faut aussi reconstruire un réseau en étoile pour le train, pas avec pour seul centre la capitale, Paris, mais avec une métropole qui s’ouvre vers les villes Normandes et un maillage territorial. La Normandie n’est pas qu’une annexe de l’Île-de-France.
Les villes normandes sont saturées d’automobiles. 83% des déplacements se font en voiture en Normandie. A Rouen, ce sont 1,5 million de déplacements par jour en véhicule particulier en métropole.
Plutôt qu’investir 1 milliard € dans une autoroute à l’Est qui n’éloignera que 600 poids lourds en transit (s’ils respectent les interdictions), c’est l’alternative aux 1,5 million de déplacements en VL/jour qu’il faut trouver.
1,1 million de VL conducteur par jour moins 600 PL, cela fait toujours 1,1 million.
Il faut développer les lignes et favoriser le report modal, plutôt que de fermer les gares et de doubler le prix du train.
Il faut favoriser et protéger les pistes cyclables : 53,2% des transports automobiles font moins de 4 km.
Il faut développer les transports pour tous les Normands, pas investir dans une autoroute inacceptable pour le public, l’environnement et les finances publiques.
Nicolas Mayer-Rossignol et l’alignement des planètes…
“Restons un instant sur l’économie, les entreprises et l’attractivité. On peut créer des agences de l’attractivité, on peut mettre de l’argent dans des logos. La vraie attractivité, la durable, c’est d’abord les infrastructures.”
Selon M. Mayer-Rossignol, H. Morin n’a pas de mots assez durs pour désigner la commission Duron. Une commission, comme il le rappelle, où figure le conseiller régional Hervé Maurey, au titre de sa présidence de la commission du développement durable du Sénat. Sénateur et conseiller régional.
Un autre (premier) ministre havrais est un proche de Morin, de sa majorité, sans compter le ministre des Finances Bruno Lemaire, qui pourrait de son poste amender le rapport Duron pour favoriser la Normandie et ces infrastructures ferroviaires (LNPN, le TGV qui va permettre de gagner 5 minutes en allégeant son portefeuille), portuaires (concurrencées vraisemblablement par le canal Seine-Nord qui avance derechef), on peut penser autoroutières et à l’A28-A13 qu’il a tant défendue (mais qu’il n’évoque pas ici) : l’autoroute, c’est attractif, comme le TGV, et même si économiquement c’est catastrophique pour les usagers, c’est bon pour l’attractivité. Et bon pour la dette…
Toutes ces considérations devraient coïncider pour décrocher des financements importants de l’État.
Il n’a pas de doutes que des Ministres d’État devraient privilégier leur Région d’origine, ou d’élection, plutôt que l’État qu’ils sont censés conduire.
Et les financements ne sont pas au rendez-vous !
Et avec ça, Hervé Morin est président de l’Association des Régions de France :
“Vous voyez qu’il y a une conjonction, un alignement des planètes”, dit M. Mayer-Rossignol, “qui devrait aboutir à un résultat inverse ! Quand on a un Premier ministre normand, un président des Régions de France normand, quand on a un conseil d’orientation avec des membres normands éminents, on peut peut-être s’attendre à ce que la Normandie ne soit plus mal traitée. Et paradoxe des paradoxes, vous êtes le premier à dénoncer et à critiquer, dans les paroles, ces résultats. Nous vous demandons simplement d’agir !”
Il ne cite pas parmi les ministres M. Lecornu à l’Écologie. Celui-ci n’étant pas chaud pour l’A28-A13 y est peut-être pour quelque chose.
C’est un fait : être Ministre revient à préférer sont territoire d’élection, cela semble tomber sous le sens. Pour les milieux économiques comme politiques.
“Nous savons que l’exaspération est réelle aujourd’hui. Nous, Normands, potentiellement, n’avons jamais eu autant de leviers politiques pour agir […]”
La République des amis bien placés. Qu’ils parlent après d’égalité des territoires, d’intérêt général, et on comprend sans peine l’exaspération.
Du berger à la bergère, David Margueritte à Nicolas Mayer-Rossignol : c’était l’alignement des planètes parfait pour le PS en 2012
Du berger à la bergère, David Margueritte répond à Nicolas Mayer-Rossignol sur l’alignement des planètes qui devrait conduire les ministres normands à privilégier la Normandie, et ce, quelle que soit l’ampleur de la dette française.
Voire l’utilité et la rentabilité des infrastructures. Au nom de l’attractivité ! À M. Mayer-Rossignol, qui reproche à la majorité de droite de n’avoir rien fait que de récupérer des rames neuves, contre les déficits à venir et des portiques inutiles sur les quais de Saint-Lazare, M. Margueritte reproche au premier l’état des toilettes des trains.
“Ne rien dire, à vouloir contenter tout le monde, pour finalement ne procéder à aucun choix clair, à aucun choix stratégique, et au bout du compte ne rien faire, c’était la ligne de François Hollande, celui que vous avez soutenu jusqu’au bout de son mandat, et vous parliez d’alignement des planètes tout à l’heure, François Hollande 2012-2017 ; mais on pourrait aussi rappeler Bernard Cazeneuve, dont vous n’avez cessé de glorifier l’action ; Fabius qui ne semblait pas très éloigné de vous ; Stéphane Travert, aujourd’hui ministre de l’agriculture qui faisait il y a encore quelques semaines partie de votre groupe ; et Estelle Grolier… Et en cette période, c’était l’alignement des planètes parfait. Et en plus, au début du mandat, il semblait y avoir un cap politique. François Hollande avait fait de la LNPN sa priorité, et quel fut le bilan de cette action, M. Mayer-Rossignol ? L’axe Seine, le choix stratégique s’est bien fait à ce moment là, quand tous vos amis étaient aux responsabilités ? Et pas n’importe quels amis : des amis proches, des amis extrèmement proches de vous. Qu’est-ce que vous avez fait finalement quand vous étiez aux responsabilités de la Région pour le train ? Il faut saluer votre cohérence, mais je voudrais là dénoncer une forme d’audace qui confine là, pour le coup, à l’aventure. Dans vos propos. Les trains hors d’âge, les toilettes des trains qui étaient systématiquement fermées, vous étiez président de région à ce moment là. La volonté politique a été de faire un choix fort dès le début du mandat : c’est de reprendre la gouvernance des intercités [et d’augmenter les tarifs, NDR], en même temps que de relancer le chantier de la LNPN à moyen terme, et à court terme pour la réalité vécue par les Normands, dont chacune et chacun s’accordent à dire que les trains étaient hors d’âge, moyenâgeux, et que la dette que la SNCF disait devoir payer à la Normandie n’avait pas été payée. Le choix politique des 40 rames c’est un choix fort, au contraire de la ligne que vous avez soutenue avec F. Hollande : le ne rien faire et ne rien dire.”
Nous allons pouvoir aligner, non pas les planètes, mais les élus, pour voir qui fait pipi le plus loin.
Au final, dans tout l’éventail de projets présentés sur le ferroviaire, le fluvial, les ports, etc, il ne reste que des tronçons d’autoroutes financés par de l’argent public, de nouvelles rames qui viennent en compensation de la reprise du réseau, des portiques à PSL, et c’est tout. Fermeture à venir de petites lignes d’équilibre du territoire, fermetures de petites gares, augmentation de tarifs ferroviaires, généralisé en 2020 pour souci de “simplification”, suppression de plans vélos… C’est vide ou presque, hormis les nouvelles rames en 2020 et le financement autoroutier.
Céline Brulin : le rapport Spinetta est une privatisation néo-libérale, une ouverture à la concurrence que la majorité appelle de ses vœux.
Mieux calibrer les trains pour éviter les usagers qui voyagent debout, entretenir et utiliser les automoteurs laissés à l’abandon en attente de les revendre pour pallier les défaillances des matériels immobilisés, avec 27 trains supprimés quotidiennement sur nos lignes du fait d’un simple épisode neigeux, redonner des moyens humains à la maintenance des trains et des voies, mettre fin à la fermeture des guichets, en assurant une présence humaine, ce sont quelques proposition de Céline Brulin – plus utiles que les portiques installés à St-Lazare.
Il ne faut pas attendre une LNPN dont l’horizon lointain et la réalisation sont mis en doute (par tous, NDR), mais plutôt maintenir et moderniser le service public.
Le rapport Spinetta est une privatisation néo-libérale, une ouverture à la concurrence que la majorité appelle de ses vœux.
Concrètement, la libéralisation, loin d’apporter des améliorations à un service public toujours plus dégradé, supprimera la flexibilité pour les abonnés qui n’auront plus le choix des horaires, limité à celui des opérateurs. En cas d’avance ou de retard, il ne sera plus possible au navetteur de prendre le train suivant si celui-ci n’appartient pas à la même compagnie. Sauf à payer plusieurs abonnements, ou le tarif plein du voyage (en plus de son ou ses abonnement-s).
Les options deviendront payantes – bagages, wifi, recharge usb… [pourquoi pas les toilettes, NDR] – et les trains ne s’arrêteront plus dans les gares moyennes, en les remplaçant par les cars Macron..
C’est aussi la fin définitive du fret ferroviaire, les transports (déjà à 86% routiers) verront leur part augmenter. Tout par la route, au grand dam des objectifs sur le climat, la qualité de l’air, la santé, la circulation et la sécurité.
FN et ferroviaire, des positions qui s’alignent, en partie, sur celles que défendait EELV :
M. Bay s’en prend au rapport Duron [sans doute veut-il dire Spinetta, le rapport qui défraie l’actualité ferroviaire] qui entend fermer les petites lignes, le réseau capillaire, trop déficitaire. Les cars le sont aussi. M. Bay défend ces petites lignes au nom du désenclavement du territoire.
Le FN cite 2 écueils en matière ferroviaire :
- tout miser sur la LNPN, sans phasage (que M. Morin appelle saucissonnage) ;
- tout mettre dans la rénovation des rames et rien d’autre (le deal conclu par la Région et l’État, pour la (re)prise du réseau intercités).
Pour le FN, il faut améliorer les infrastructures pour améliorer le service. Cela passe par :
- la réalisation du doublement du Mantois ;
- des quais réservés au trafic normand à PSL ;
- agir sur les “puits de vitesse”, des petites parties de tronçons sur les lignes Paris-le Havre et Caen-Paris où l’on pourrait améliorer l’infrastructure et gagner en vitesse à la marge.
Le FN dénonce la faiblesse de la négociation normande – rames neuves contre reprise du réseau – quand d’autres régions ont su négocier plus : des compensations sur le déficit annuel.
Le quart d’heure écolo, pour voir ce que nous avons en partage… ou pas.
Sur l’essentiel, ce sont des priorités réclamées par les écologistes depuis des années, et répétées depuis le début du débat public de la LNPN. EELV a été le seul parti à déposer un cahier d’acteur :
Les propositions de Normandie Écologie
Le cahier d’acteur EELV au débat public LNPN
- d’abord le doublement du Mantois, au plus vite, noeud gordien du trafic ferroviaire normand ;
- la gare rive gauche à Rouen, si l’on veut vraiment développer un réseau non plus orienté seulement vers la capitale, mais un point central pour rayonner vers toute la Normandie, et l’Île de France ;
- l’amélioration des dessertes en Île-de-France, mais qui concerne en grande partie l’ïle-de -France empêtrée dans son Grand Paris, express ou pas, et ses jeux olympiques. La Normandie, c’est Ploucland de l’autre côté des Yvelines ;-) ;
- la conservation du trafic ferroviaire capillaire, il est possible de rentabiliser même les “petites” lignes : FNAUT : petites lignes et petites gares
Les Normands (en fait, tous les usagers, d’où qu’ils soient) veulent des trains qui s’arrêtent en gare, et arrivent à l’heure, avec du cadencement, de l’amplitude, et des correspondances. Pas debout, ni par terre : assis ! Des correspondances coordonnées entre elles, pour éviter d’additionner les retards.
Pour ce qui est des “puits de vitesse”, nous n’avons pas les moyens de modifier les voies pour changer les la courbure d’un virage ;-) On peine à les trouver pour entretenir le réseau.
Envisager les shunts Bussereau (Mantes-Caen, typiquement) serait très intéressant si l’on avait les moyens que nous n’avons pas : Les caisses sont vides, les dettes s’accumulent.
Le tout LNPN, le “tout sinon rien” du président Morin risque de nous conduire au rien : retour vers le passé !
C’est ça aussi l’attractivité normande : permettre à tous les Normands de se déplacer en Normandie et en France.
C’était le quart d’heure écolo, revenons aux propositions du FN :
Pour ce qui est des aéroports, le FN se met sur la même longueur d’onde que le PS et la droite : après avoir proposé l’un comme l’autre l’aéroport unique, veulent désormais conserver les aéroports.
Nicolas Bay défend l’aéroport de Rouen, en accusant les pouvoirs publics de l’avoir jusque là méprisé et abandonné (avec 700 000 euros de subvention annuelle quand même), et aujourd’hui il est totalement relancé avec la compagnie Hop qui gère des liaisons régulières (1/j) vers Lyon (comme Carpiquet).
Il parle d’un contexte ferroviaire qui laisse largement à désirer, la ligne aérienne le supplée largement.
Le contexte ferroviaire est-il si mauvais que M. Bay le laisse penser ?
Les Rouennais disposent déjà d’une offre régulière directe par le TGV. 3h40 pour le Rouen-Lyon direct, pour un tarif variable autour de 90 € aller (échangeable et remboursable avec 5 euros de retenue). C’est environ 2,5 fois plus par avion : 270 euros environ pour réserver dans la semaine. Ce tarif tombe à un peu plus de 200 euros l’aller dans les 3 semaines qui suivent, puis un peu plus de 90 € à plus d’un mois, mais non modifiable, non remboursable et bagages en options.
Cette ligne aérienne est donc bien à destination des élites, ce n’est pas vraiment les transports pour tous au quotidien. Mais il faut soigner ses élites, ce que semblent faire les principaux partis.
Mais de grâce, évitons de jeter le bébé avec l’eau du bain, en critiquant, comme le fait M. Bay, un service TGV qui permet aux Normands de rejoindre Lyon ou Marseille, confortablement, bien moins cher qu’en avion, quand bien même ils le feraient en première avec tout le confort.
Prière de ne pas mettre en danger ce service, qui n’a jamais connu de défaillances, pour supporter une ligne aéroportuaire nouvelle, après tant d’échecs successifs, et d’argent public répandu.
Ce TGV quotidien est utile, et surtout existant, bien moins cher et moins polluant que l’avion. Avec plus de passagers aussi… Le TGV Paris-Lyon-Marseille, dont il emprunte le parcours en grande partie, est de toutes façons le seul TGV rentable de France.
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