Accueil > chez L > Portrait d’une femme engagée aux côtés des migrants
L’oeil pétillant, le sourire généreux, Geneviève est une femme qui s’est toujours engagée pour les autres. Pionnière du Planning Familial dans les années 70, elle consacre aujourd’hui beaucoup de son temps à aider les migrants et les réfugiés. Bénévole à la Cimade, elle nous parle de son engagement.
Quand et comment est né ton besoin de t’engager ?
J’ai toujours été militante, au sein de différentes associations.
Pourquoi as-tu choisi de rejoindre la Cimade ?
Je ne connaissais pas le milieu des migrants. J’avais envie d’aller voir ce qu’il y avait derrière l’image de délinquants (“Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants” ndlr) véhiculée par certains médias ou par les hommes politiques. Je pense au lapsus d’Eric Besson, le ministre de l’Immigration, invité de France Inter en avril dernier, qui dit “délinquants” à la place de “migrants”! (à réécouter sur le blog de MEDIAPART).
Qu’est-ce que la Cimade ? En quoi consiste votre action ?
La Cimade est une organisation non gouvernementale qui aide, lors de permanences, les étrangers dans leurs problèmes avec la préfecture, pour l’obtention de leur titre de séjour.
Elle intervient aussi en « centre de rétention » : ces centres regroupent les étrangers en situation irrégulière, c’est-à-dire sans papiers, arrêtés et que les préfectures se proposent de reconduire dans leurs pays. Ce sont les fameux « quotas » d’étrangers à reconduire, fixés par le Ministre des 3I (Immigration, Intégration, Insertion). La Cimade y intervient depuis 1985. Aujourd’hui, dans les 23 centres de rétention administrative (CRA) de métropole, près de 100 personnes salariés et bénévoles exercent auprès des étrangers, une mission d’aide à l’exercice de leurs droits. Des bénévoles interviennent aussi dans les CRA de Guyane et de Mayotte.
Peux-tu rappeler ce que sont les Centres de rétention administrative ?
C’est un endroit où on enferme les personnes qui doivent être expulsées. Après une garde à vue dans les deux premiers jours, les personnes sont placées en rétention. Dans les deux premiers jours qui suivent leur arrestation, elles doivent rencontrer le Juge des Libertés et de la Détention, qui vérifie la régularité de leur arrestation. Les étrangers ont également droit, et la CIMADE les y aide, à déposer un recours contre la décision préfectorale de reconduite à la frontière. Nous les informons sur leurs droits et les aidons à récupérer les pièces à fournir pour faire valoir leurs droits dans un temps très court et dans un lieu d’enfermement. Bref, nous nous efforçons de garantir que la « légalité républicaine » soit toujours et pour tous respectée.
Dans les centres de rétention, nous exerçons donc un rôle d’aide juridique auprès des « retenus» (on ne dit pas « détenus» , ils ne sont pas en prison).
Localement, nous avons mené, il y a deux ans, une enquête dans les tribunaux, en assistant aux audiences (publiques) des étrangers en rétention avant le renvoi dans leurs pays (vérification de la régularité de leur arrestation et de leur droit à rester sur le territoire français et à obtenir un titre de séjour).
Peux-tu nous en dire un peu plus sur la réforme des centres de rétention administrative ?
Jusqu’à présent la Cimade était la seule association qui, dans le cadre d’une mission nationale, était habilitée à intervenir dans les centres de rétention administrative (les CRA). La réforme engagée n’est pas faite pour améliorer la défense du droit des étrangers : la France est divisée en 8 lots affectés à différents associations, dont les objectifs sont différents. Aucune coordination nationale n’est prévue pour assurer l’égalité de traitement entre les différents lots.
La Cimade a déposé divers recours ; un premier appel d’offre a été retiré. Un nouvel appel d’offre a été publié obligeant le ministère à prolonger la mission de la CIMADE de plusieurs mois.
L’association a contesté l’appel d’offres au motif qu’il dénature l’aide apportée aux étrangers dans les CRA en transformant le soutien juridique en une simple mission d’information. En plus il introduit une inégalité de traitement entre les étrangers, en fonction de l’association qui interviendra dans le Centre de rétention où ils seront retenus et supprime la vision d’ensemble de la politique de rétention en France.
Lire aussi RUE 89 : Centres de rétention, le faux-nez de l’UMP devra encore attendre !
Motion de l’assemblée générale de la Cimade du 20 juin 2009 sur le projet de réforme de la juridiction administrative :
UN NOUVEAU RECUL POUR L’ACCES AU DROIT
Le Conseil d’Etat entend faire adopter une réforme de la juridiction administrative qui aurait pour effet de réduire considérablement les garanties de procédures pour plusieurs catégories de justiciables, dont les étrangers en situation irrégulière.
Dans un souci de productivité, la réforme initiale visait à réduire la collégialité des formations de jugement, à supprimer le rapporteur public et à diminuer le nombre de requêtes soumises au juge par la possibilité pour les cours administratives d’appel de rejeter les dossiers par ordonnance, autrement dit sans que l’étranger ne soit entendu par le juge.
La mobilisation des magistrats et de leurs organisations syndicales a permis que le Conseil d’Etat fasse marche arrière concernant le juge unique. Mais la modification du rôle du rapporteur public et les possibilités de rejet au tri des appels formés contre les décisions d’obligation de quitter le territoire français (Oqtf) restent inacceptables.
Comme La Cimade l’avait annoncé en son temps, la création de l’obligation de quitter le territoire français, applicable depuis le 1er janvier 2007 a déjà fortement restreint les droits des étrangers en diminuant les possibilités de recours : délai de recours d’un mois seulement alors que l’intéressé doit contester trois mesures à la fois, recours gracieux et hiérarchiques inefficaces dans la mesure où ils ne suspendent plus le délai du recours contentieux, possibilité pour le tribunal administratif de rejeter les requêtes sans audience. La mise en place de l’Oqtf n’a répondu ni à l’objectif fixé par le législateur d’amélioration du taux d’exécution des mesures d’éloignement, ni à un désengorgement des juridictions.
La réforme envisagée représente un nouveau recul en termes d’accès à la justice et de droit de la défense pour des justiciables déjà fragilisés. Elle se rajoute à d’autres restrictions inquiétantes du droit des étrangers (comme la réforme des centres de rétention).
Devant ces dérives inquiétantes, la Cimade, réunie en assemblée générale à Paris le 20 juin 2009, s’associe aux syndicats de magistrats qui s’opposent à ce projet.
La France pays des droits de l’homme ? Un pays qui renvoie des réfugiés vers leur pays en guerre… Cet Afghan, c’est mon grand-père républicain parqué au camp d’Argelès-sur-Mer parce qu’il avait franchi illégalement la frontière espagnole en 39… La liberté ou la mort ?
laetitia