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L’OPA d’AREVA sur Uramin : deux milliards d’euros se sont envolés sous notre nez. Mediapart enquête sur un scénario digne de l’arnaque…

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L’histoire que nous raconte mediapart pourrait être celle d’une banale arnaque, sauf que le montant de l’arnaque n’est pas banal : deux milliards d’euros. C’est un chiffre qui ne passe pas sur un chèque, la case des chiffres est trop petite pour y mettre la somme : 2 000 000 000 euros. Qui perd ? Areva, l’Etat, et donc nous, les français.
Comment l’Etat, comment nos élites, qu’elles soient aux manettes à l’Etat ou à Areva ont pu se laisser prendre dans ce dossier UraMin, une petite société créée en 2005 dans les île vierges britanniques, un paradis fiscal, et dont la valeur n’atteignait que 60 millions de dollars. C’est toute la question que se pose le journal, et qu’il tente de comprendre et d’élucider pour nous.
L’enjeu de cette affaire, c’est l’uranium, une ressource de plus en plus rare sur notre planète, et donc de plus en plus chère. Cet uranium, en 2006, Areva en a un besoin urgent. Non pour alimenter nos centrales, mais pour vendre l’EPR en Chine. Le gouvernement chinois exige plus qu’un réacteur. Il veut un package qui inclut les transferts de technologie sur le réacteur EPR, le cycle de retraitement, et des garanties d’approvisionnement d’uranium à bon prix.
En 2006, Areva commence à lorgner sur la société UraMin, qui fait savoir autour d’elle que ses gisements d’uranium en Afrique semblent très prometteurs. Areva n’a d’abord pas donné suite à la proposition de rachat de la société UraMin.
Mais dès le mois d’octobre 2006, les deux directions signent un accord confidentiel.
En décembre 2006, la Chine met fin aux espoir des français de vendre leur EPR, lui préférant le réacteur de l’américain Westinghouse. L’affaire aurait pu en rester là.
Mais les luttes d’influences autour d’Areva poussent la responsable d’Areva, Anne Lauvergeon, à retrouver l’autonomie de son groupe, et à se libérer de la tutelle de Bercy. Thierry Breton avait empêché le rachat d’un groupe minier australien, avait refusé la privatisation d’Areva [depuis le 30 mai 2011, l’intégralité du capital d’Areva est cotée sous forme d’actions ordinaires, Ndr], ou en lui interdisant de racheter à prix élevé RePower, une PME allemande spécialisée dans l’éolien.
Les négociations vont continuer entre Areva et UraMin. L’offre de départ de 400 millions n’a pas fait l’objet d’un accord écrit. En 2006, Areva embauche Daniel Wouters, un homme d’affaires belge, spécialiste de l’Afrique et du monde minier, pour mener les négociations, tout en l’autorisant à mener ses activités personnelles.
En six mois, le prix d’UraMin va exploser. La société quitte la place londonienne pour se placer à Toronto, plus spécialisée dans les projets miniers, et qui offre plus de garanties boursières et d’expertises techniques dans ce type de projets. A son entrée en bourse, l’action cote 2,8 dollars canadiens, et représente une valeur totale de 420 millions de dollars américains.
UraMin fait connaître les résultats d’expertises qu’elle a fait lancer, et les résultats de tous les sites sont plus prometteurs les uns que les autres. Comme le fait remarquer Mediapart, une grande partie des déclarations et articles de cette période ont disparu du web.
En mars 2007, Areva acquiert 5,5% du capital d’Uramin, pour une valeur de 4,3 dollars canadien par action. Comme dit le journal, “le poisson mord, il n’y a plus qu’à le ferrer.”
En avril 2007, UraMin rompt les négociations confidentielles avec Areva, et lance un processus de mise aux enchères.
Au lieu de rompre les négociations, Areva continue de s’intéresser à l’acquisition de la société canadienne, et de ses ressources prometteuses. Le cours s’envole. Une rumeur d’un possible partenariat avec le groupe China National Nuclear Corporation, démentie par le groupe chinois quelques jours plus tard, fait prendre 4% à l’action en une séance.
En juin, UraMin annonce une nouvelle concession minière au Niger et l’action atteint 7,8 dollars canadiens à l’action.
C’est Jean-Louis Borloo, ministre des finances depuis un mois, qui donne le feu vert à une OPA sur UraMin.
7,8 dollars canadiens, c’est le prix que paiera Areva pour s’offrir UltraMin. Et encore, sans la nouvelle concession minière au Niger.
Le seul avantage qui sera concédé à Areva, c’est que sa proposition sera préférée à une offre concurrente en cas de surenchère, à condition de s’aligner sur celle-ci.
Juillet 2007, Areva lance son OPA sur UraMin, société créée seulement deux ans auparavant et qui ne valait alors que 60 millions de dollars, pour un montant de 2,5 milliards de dollars.
La valeur d’UraMin, acquise pour 1,8 milliard d’euros en 2007, et qui a nécessité des investissements par la suite, n’est plus que de 400 millions d’euros.
Le groupe français va afficher des pertes qui se chiffrent en milliards d’euros, suite à ses déboires sur UraMin, sur l’EPR en Finlande, et à la catastrophe de Fukushima qui a terni son avenir. Des milliers d’emplois vont certainement être liquidés. L’Etat français, actionnaire à plus de 80%, devra mettre la main à la poche, et l’argent public servira probablement à augmenter le capital du groupe.
Merci à Mediapart et à Martine Orange pour son enquête, dont j’ai utilisé les sources pour ce billet.
Comment une telle affaire a-t-elle été possible ? Le groupe français est leader et expert en matière de gisements d’uranium. Or, selon Mediapart, aucune expertise approfondie n’a été menée, même si des équipes internes ont bien travaillé.
L’essentiel des chiffres et des appréciations proviennent des expertises du cabinet américain SRK, et ont été fournis par le vendeur.
Comment l’Etat français, principal actionnaire, a pu ne pas arbitrer cette OPA, et au contraire donner son feu vert à l’OPA ? Quand il y a un perdant, il y a des gagnants. Qui a bénéficié de cette spéculation ? L’enquête de Mediapart nous fournit déjà des pistes, mais seule une enquête judiciaire permettra de connaître les détails de l’affaire. L’enquête de Mediapart, elle, continue…
A lire : le communiqué commun d’AREVA et d’EDF qui explique que les comptes liés à l’acquisition désastreuse d’Uramin semblaient réguliers et sincères.
Le communiqué ajoute : “Toute personne ayant une information sur un éventuel délit d’initié ou sur la surévaluation de la qualité des gisements d’Uramin avant 2010 doit la communiquer au parquet, au régulateur boursier canadien, voire à une commission parlementaire, fait valoir M. Ricol”.

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