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La Poste : Une enseigne, des métiers, des usagers, des clients, des prédateurs…

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miam... La Poste n’est pas née d’hier. L’apparition des Postes remonte à la fin du 16ème s. Mais c’est au cours du 19ème s. que les Postes accompagneront la modernisation du pays, en développant l’activité courrier. En 1879, la Poste devient Postes et Télégraphe, puis rapidement P et T. Car la modernité, c’est alors le télégraphe. En 1920, avec l’arrivée du téléphone, les P et T deviennent PTT. On parle alors de télédiffusion.
Les héros de l’aéropostale sont dans l’imaginaire des petits et des grands, on est en pleine modernité. Même l’art est moderne. On se déplace en train, puis en auto, bientôt ce sera l’avion… Pendant ce temps les PTT s’installent partout, dans les villes et aussi dans les villages. On va y poster le courrier, déposer ses économies, téléphoner.
En 1981, c’est le printemps du téléphone. Les cabines publiques fleurissent, et enfin, le téléphone s’installe dans toutes les maisons. C’est un nouveau métier, et dorénavant les usagers n’iront plus faire la queue dans les cabines de la poste (“Vous avez votre communication, cabine 3, Monsieur”).

Une première privatisation

En 1991, les PTT disparaissent à leur tour : France Télécom et Le groupe La Poste deviennent des entreprises publiques (exploitants autonomes de droit public). Le gouvernement Rocard l’affirme : “la privatisation n’est pas à l’ordre du jour”.
En 1997, Jospin réalise la privatisation partielle du groupe France Telecom, et en octobre il « ouvre le capital ». La valeur initiale, sous-cotée, sera multipliée par 8 deux ans plus tard.
La Poste, elle, continue son chemin, autour des ses 4 métiers : le Courrier, le Colis Express, la Banque Postale, et le réseau de distribution.
Et elle a encore vocation à assurer un service public à ses usagers (mais attention : bien qu’on soit usager de la Poste, on est désormais client de la Banque Postale).
Structuré autour de 17.000 bureaux de poste répartis sur tout le territoire, La Poste jouit d’une grande notoriété auprès du public, et d’un sentiment d’appartenance vis à vis de la population.
Mais qui aime bien châtie bien : on ne peut que râler devant les trop longues queues derrière les guichets, où l’on vient pour un recommandé, poster un colis, fouiner dans les collections de timbres, chercher de l’argent. Bref on y fait tout, et c’est trop long.
On peut se demander si les produits dérivés, sur lesquels les guichetiers ont l’obligation de faire l’article, ne sont pas là pour faire perdre encore un peu plus de temps et de patience aux usagers. A moins que ce ne soit pour les accommoder au futur des bureaux de poste : magasins et autres bureaux de tabac ?..

Le courrier

Missions :
– Le service universel postal qui permet à chaque entreprise et chaque personne physique d’accéder facilement sur l’ensemble du territoire à ces services d’une qualité déterminée, de bénéficier, à des tarifs abordables et régulés par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, d’une collecte et distribution 6/7 jours.
– Le service public de la presse qui permet aux éditeurs de presse de bénéficier de tarifs privilégiés pour une prestation de service postal dont la qualité est définie et contrôlée et à chaque lecteur de recevoir à son domicile, sur le territoire national, les journaux auxquels il s’est abonné. 

La holding Sofipost regroupe un ensemble de filiales (ORSID, Aspheria, Certinomis, Dynapost, Maileva, Mediapost, STP, Brokers Worldwide, …). Son chiffre d’affaires représente 54,3 % du chiffre d’affaires global de La Poste soit 11,5 milliards d’euros. Au total, 28,5 milliards de documents acheminés et distribués en 2007 par le groupe La Poste : 19,5 milliards d’adressés, et 9 milliards non adressés (pub et catalogues sans adresse).
C’est le deuxième opérateur postal européen, après Dutch Post.
Sa flotte de l’entreprise fut la plus importante de France avec 42 000 véhicules. En 2000, le groupe a vendu ses voitures et camions et les transports se font désormais via des véhicules de location.
Aujourd’hui largement concurrencé par internet et le mail, le métier se recentre sur le secteur professionnel et la distribution de la publicité…

Le Colis Express

ColiPoste, est l’opérateur Colis de La Poste. Il offre une gamme complète de services en B to C avec des livraisons en 48h.
La filiale Express du groupe La Poste, Geopost, est une holding qui regroupe un ensemble de filiales (Chronopost, Exapaq, InterLink, MasterLink, Parceline, DPD) représentant 22,6% du chiffre d’affaires global (4,7 milliards d’€). C’est le numéro 2 de l’express en Europe (en volume) et numéro 1 du colis en France, numéro 2 en Allemagne, et numéro 4 au Royaume-Uni.
GeoPost se développe à l’international. En Europe, notamment en Pologne, et en Russie, 3 hubs construits à Poznan, à Gdansk et à Riga. Mondialement, 10 agences ont été ouverte en Chine, et commence à prendre des parts de marché en Afrique du Sud. Des partenariats sont également signés en Amérique du Nord.
Grâce à sa holding Geopost et ses filiales, on le voit, La Poste n’a pas eu à attendre de changer de statut pour conquérir ses marchés à l’international.
Contrairement au courrier, Colis Express profite de la manne d’internet, pour améliorer sa qualité de service, bien sûr, et surtout de profiter du e-commerce.

La Banque Postale

Mission : La mission d’accessibilité bancaire enfin qui offre au plus grand nombre de personnes, y compris celles aux revenus plus modestes, la possibilité de bénéficier aux guichets de La Poste d’une prestation de domiciliation de ses revenus, de retrait d’argent liquide et d’émission de titre de paiement.
La Banque Postale en chiffres (2008) :

  • 4,815 milliards d’euros de produit net bancaire (PNB)
  • 11,2 millions de comptes courants postaux
  • 9,53 millions de clients en banque principale
  • 480 000 clients Entreprises, Collectivités et Associations
  • 5 191 distributeurs automatiques de billets / guichets automatiques bancaires (DAB / GAB) en France
  • 270,6 milliards d’euros d’encours clientèle
  • Plus de 6 millions de cartes bancaires, soit 11 % du marché
  • 17 000 points de contact

Au premier semestre 2009, c’est aussi :

  • une augmentation du PNB de + 3,2% sur base comparable, à 2 459 millions d’euros,
  • un résultat d’exploitation de + 30 %, à 307 millions d’euros,
  • 9,753 millions de clients actifs, avec un objectifs de 10 millions de clients en 2010.
  • Les encours d’épargne et de dépôts à vue progressent à un rythme annuel de 8,1 % pour atteindre 275,5 milliards d’euros au 30 juin 2009,
  • une forte progression du chiffre d’affaires enregistré qui atteint 5,9 milliards d’euros, en croissance de 21 % sur le premier semestre 2009
  • une collecte nette assurance vie de l’ordre de 2,4 milliards d’euros au premier semestre 2009, en progression de + 70 % par rapport au premier semestre 2008.

La Banque Postale a une importance particulière pour les français, jusqu’aux plus démunis. Bien que toutes les banques soient obligées d’accepter l’ouverture d’un compte bancaire pour tous, dans les faits, ce n’est pas vrai, notamment pour les plus pauvres. C’est la Banque Postale qui assure ce rôle.
La Banque Postale a su rester à l’écart de tout placement dans les subprimes et autres actifs toxiques ! Ce n’est pas pour rien non plus dans sa notoriété, lorsque d’autres se sont goinfrés, jusqu’à l’indigestion.
Pour les foyers, nos anciens, c’est le livret A, le plan d’épargne logement, … Les économies de la famille et même des enfants y sont déposées.
La Banque Postale n’est pas accolée à une banque de financement et d’investissement (comme Natixis pour la Caisse d’Epargne et la Banque Populaire) et donc est perçue comme une banque saine et fiable par le public.

Le réseau de distribution

Mission : La mission d’aménagement du territoire qui permet de maintenir sur tout le territoire, y compris les zones les moins denses, un niveau très important d’accessibilité aux services postaux.
L’Enseigne La Poste, c’est, avec le facteur et les petites voitures jaunes, la partie la plus visible du groupe : Les 17.000 points d’accès de la Banque Postale, les guichets de la Poste, et accessoirement espace d’accueil et de vente.
Elle a une double mission : d’abord, un aménagement du territoire, en offrant un espace d’accueil toujours accessible aux populations les plus fragiles (ruraux, anciens, population défavorisée, handicapés, …). A cette mission de service public s’ajoute une contrainte de rentabilité : on prône “l’accessibilité, l’accueil, l’efficacité du service et la qualité du conseil […] l’attente est passée de 8 minutes 27, en novembre 2008, à 4 minutes 01 en juin 2009*. (source laposte.fr)”.
Le bureau de poste est désormais organisé autour :

  • d’un espace bancaire (conseillers financiers et gestionnaires de clientèle)
  • d’un espace de vente avec : un libre-service produits, un espace automates, des îlots polyvalents (Encaissement rapide, retrait dépôts des instances, Services Financiers, Accueil Pros)

“Dans cette nouvelle configuration, les guichetiers accueillent dans l’espace de vente, orientent, accompagnent, conseillent et vendent.”
Pour les bureaux qui n’atteignent pas leur objectif de rentabilité, c’est la fermeture qui guette.
Dans les campagnes, le maintien des bureaux de Poste est une priorité d’aménagement du territoire, pour que les villages et petites communes puissent rester attractives.

La main sur le coeur, le changement de statut n’a pas pour but la privatisation.

La main sur le portefeuille, alors que le déficit de l’Etat est dans un abîme, combien de temps cette bonne volonté durera ?
Les autres fleurons du service public français ont changé de statut, avec la garantie qu’il n’y aurait pas de privatisation : France Telecom (“bradé” au 1/8ème de sa valeur), EDF, GDF, ont eu les mêmes gages de non privatisation. Et puis on met la main dans le pot de miel…
Avec les conséquences que l’on connait, tant en terme de service, de prix, que de conditions de travail au sein des entreprises privatisées. Et là, le cas France Telecom devrait mettre en garde…
Mais un tel projet de privatisation, avec un souci bien normal de meilleure profitabilité pour les actionnaires, ne reviendra-t-pas à désaucissonner le groupe La Poste ?
Aujourd’hui, le cadre qui permet de tenir ces différents métiers au sein d’un même groupe, c’est le réseau. C’est le maillage territorial et la notion de service public qui permet la cohésion du groupe : on offre à toute la population, sans contrainte géographique, sans contrainte de ciblage de clientèle, un accès aux services indispensables.

Mais si la contrainte de rentabilité s’applique aux bureaux de poste, dès que l’entreprise sera privatisée, rien ne saura l’empêcher de fermer les bureaux qui n’atteignent pas les objectifs de rentabilité.
Quelle sera le facteur de cohésion du groupe alors ?
Sûrement, la Banque Postale, déjà en concurrence avec toutes les autres banques, n’aura pas vocation à assurer un service pour les plus démunis. Il n’y a pas de raison d’assurer une mission de service public, au détriment de la rentabilité, et de la libre concurrence.
Pourquoi accepter des rmistes lorsque les autres banques font tout pour ne pas les avoir ? Il y a bien les petits vieux, et leurs livrets A…
Mais là encore le public est captif : pourquoi changer de compte, lorsque la concurrence ne fait de toutes façons pas mieux ?
Plus de DAB, moins de bureaux, relocalisés quant à eux pour faire face à la concurrence, et non pour assurer une mission d’aménagement du territoire.
Les colis express n’ont pas tellement besoin non plus de ce réseau, puisqu’on y fait essentiellement de la livraison à domicile. Ceux qui postent un colis devront se déplacer un peu plus loin… Et là encore, quelle alternative ?
Alors, si on n’a plus cette contrainte d’aménagement du territoire, et donc un réseau qui changera pour s’adapter à la clientèle dans le souci de la profitabilité, quelle sera la cohésion des différents métiers ?
C’est simple : Il n’y en n’aura plus.

Un groupe désaucissonné

Chaque métier sera dégroupé.
Colis Express, restera rentable, même si c’est une activité à faible marge. Colis Express au travers de ses filiales aura vocation à devenir un des géants mondiaux de la livraison express.
La Banque Postale est une manne, un trésor national. Adossé au groupe La Poste, elle n’a pas vocation à devenir une banque d’investissement. Mais si on tronçonne le groupe en métiers, cette banque pourra alors s’adosser à une banque d’investissement.
Rappelons-le (et je vous conseille ici la lecture des écrits de Frédéric Lordon), la crise de 1929 avait conduit à une stricte séparation des banques de marché et des banques commerciales (Glass-Steagall Act). Ceci afin de préserver la contamination des déboires des premières sur les banques commerciales (banques de dépôt et de crédit), et qu’elles n’aillent transmettre les chocs financiers à l’économie réelle, notamment en étouffant les crédits.
Ce verrou a sauté, et les banques se sont déspécialisées. Aujourd’hui la Banque Postale me fait penser à un grand herbivore, dans une réserve naturelle. Un grand diplodocus, que lorgneront les vélociraptors de la finance, qui n’y verront que le montant des en-cours : 270,6 milliards d’euros d’encours clientèle, qui ne participent pas aux investissements financiers. Une hérésie pour les génies de la finance.
Adosser une banque de marché à une banque commerciale comme la poste (dépôts, livrets A, PEL, crédits… mais aussi des produits financiers comme les assurances-vie), c’est se donner la possibilité de pouvoir garantir les prises de marchés par les dépôts et les actifs de la banque.
En gros, cela revient à pouvoir prendre des positions sur les marchés en les garantissant sur vos dépôts. Si le jeu est gagnant, la banque gagne, et vous rend votre argent (en fait vous n’avez pas su que votre argent était joué, vous n’avez rien gagné, ni perdu).
Si par contre, la banque perd, elle perd et vous rend votre argent. Ou pas, s’il n’en reste pas. Vous avez alors tout perdu, même l’argent que vous pensiez à l’abri.
C’est ce qui s’est passé lors de la dernière crise, et a failli provoquer l’effondrement du système bancaire.
Si vous ne voulez pas jouer en bourse, il est intolérable que d’autres se servent, en toute légalité, de votre argent pour engranger d’immenses profits, en vous en faisant endosser le risque.
C’est ce qu’il faut éviter à tout prix par une privatisation sauvage de Banque Postale.
Le réseau ? Il faudra l’adapter, et sûrement fermer de nombreux bureaux.
Et le courrier alors, qu’est-ce qu’il devient dans tout ça ? C’est là que le bât blessera : coûteux en hommes, foyer de syndicalisme, en concurrence avec d’autres services, avec Internet, ce métier aura-t-il vocation à quitter le service public ? Ce sera une lourde charge pour les actionnaires. N’y aura-t-il pas volonté de le laisser s’éteindre ? Certes il représente plus de 50 % du chiffre d’affaires. Mais au prix d’une structure énorme, pour une activité coûteuse en hommes, et en déclin.
Alors si la structure tombe, eh bien l’Etat (c’est nous) n’aura qu’à la reprendre, après tout, s’il y tient tant !

Et le diplodocus dans tout ça ? Les prédateurs, à table !

un peu de lecture : entretien avec Frédéric Lordon sur Télérama

nono
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jérôme a déjà publié un commentaire : voulez-vous lui répondre ?

  1. Oct 2009
    8
    21 h 36

    Arnaud ,nous a très bien expliqué la situation ,mais on peut aller plus loin, a la différence des sociaux-démocrates européens, le groupe des Verts au Parlement européen a voté contre la directive de libéralisation postale de 2008, comme il l’avait fait pour celles de 1997 et 2002. En effet, il est absurde tant d’un point de vue économique qu’écologique que plusieurs tournées de postes effectuées par des opérateurs différents se superposent là où aujourd’hui une seule tournée suffit. Par ailleurs, ouvrir à la concurrence la livraison du courrier alors que le volume concerné diminue en raison de la montée en puissance d’Internet est un non-sens économique.

    La libéralisation a détérioré les conditions sociales et l’emploi dans le secteur postal des Etats-membres qui ont d’ores et déjà fait ce choix. En Allemagne, par exemple, la libéralisation a eu pour conséquence non seulement une perte de 29 000 emplois chez l’opérateur historique, dont 15 000 non compensés par des créations chez les nouveaux concurrents, mais aussi la précarisation des emplois créés par les nouveaux opérateurs. En Autriche, ce sont 9 000 emplois d’ici 2015 qui doivent être supprimés. Le patron de la Poste belge propose aujourd’hui un statut de facteur “low cost”, à temps partiel imposé pour un salaire au rabais, 25% moins élevé que celui des “vrais facteurs”. En Suède, le niveau d’emploi a baissé d’un tiers, non compensé par les nouveaux opérateurs La libéralisation du service postal a également entraîné la diminution de la qualité des services offerts. La Suède qui a été la première à libéraliser a aujourd’hui le service postal le moins accessible d’Europe. C’est également l’Etat-membre où le timbre-poste est le plus cher (90% de hausse entre 1993 et 2003).

    Mais ce qui frappe surtout dans le débat actuel c’est l’absence de vision stratégique du gouvernement. En effet, alors que les besoins évoluent, que la population vieillit, c’est plutôt la nature du métier postal qui devrait être rediscutée. Les agents de la Poste remplissent une fonction sociale irremplaçable; le besoin et la demande de “services à la personne” ne cessent de croître. La Poste n’a-t-elle pas ici aussi un rôle à jouer en utilisant son réseau et son contacts avec la population pour offrir d’autres prestations ?
    Malheureusement ces questions, qui permettraient de défricher de nouveaux territoires pour le service public, restent très largement absentes du débat politique. Une absence de vision stratégique qui ne peut que renforcer les craintes des salariés de La Poste .

    jérôme

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