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Chassé-croisé des vacances, les affaires continuent…

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trêve estivaleAh ! ce début de mois d’août à l’ombre des marronniers… Pendant que les vacanciers se remettent de leurs vacances et trient leurs photos, se repassent les vidéos, rangent, lavent, et se préparent (pour les chanceux…) à retrouver le confort du travail, les autres (les chanceux qui partent quand même en vacances), se préparent à affronter les méduses et le soleil, la promiscuité et les terrasses (qui attendront la fin de la saison pour répercuter – ou non – la baisse significative de la TVA).
Pour les moins chanceux, il reste une heure de vacances par jour quand même : nos JT préférés nous invitent à chausser lunettes de soleil, paréos, maillots et espadrilles, avec force visites de fabricants et de négociants (locaux ceux-là), et petits détours pour réaliser quelques radio-plages pour se plonger dans ses souvenirs : bluettes de l’été, bronzer c’est bon, les vacances c’est les boules (de pétanque)… Barbecue !

Habituellement, c’est la période idéale choisie par le gouvernement pour faire passer une loi mal perçue par les électeurs. Mais là, les ministres sont en vacances… Pas loin ! Et même à 1 heure de Paris seulement pour Roselyne Bachelot, afin de pouvoir revenir faire une distribution de tamiflu dans l’urgence.

Crisetine Lagarde par Martin Vidberg ©

Crisetine Lagarde
par Martin Vidberg ©

Cette année, ce sont plutôt les sociétés financières qui profitent de la crise financière trêve estivale pour faire des annonces.
D’abord c’est BNP Paribas qui va verser 1 milliard d’euros (dûment provisionné) de primes à ses traders du pôle Corporate and Investment Bank (CIB) à l’issue du premier semestre. Après que l’Etat ait versé plus de 5 milliards d’euros à la BNP, le sujet suscite évidemment la polémique.

Bercy précise : “Au moment où plusieurs banques préparent des décisions en matière de rémunération des opérateurs, Christine Lagarde a demandé à la Commission bancaire d’exercer une extrême vigilance pour assurer la mise en oeuvre effective des règles définies”. Lagarde veille donc…

Alors au moment où le CAC 40 flirte de nouveau avec les 3500 points, où les banques s’apprêtent à reverser leurs bénéfices (bénéfice net de 1,604 milliard d’euros au deuxième trimestre pour la BNP, soit une hausse de 6,6%), on pourrait croire que LA CRISE EST FINIE !

Une autre affaire bancaire, chez nos voisins Islandais cette fois, est sous le feu de l’actualité :

Kaupthing a prêté des milliards d’euros à des actionnaires avant la faillite.
Un document, “privé et confidentiel”, liste, sur 210 pages, 205 emprunteurs de la banque, essentiellement des actionnaires de la banque. Le document est daté du 25 septembre 2008 (il a été publié anonymement le 29 juillet dernier sur wikileak.org). Le 9 octobre, la banque est mise sous tutelle et placée en cessation de paiements.
Les islandais apprennent que 205 emprunteurs du monde entier ont reçu des prêts allant de 45 millions d’euros à 1,25 milliard d’euros, juste avant de faire faillite.
Mais le jour suivant ce rapport, les avocats de kaupthing on tenté d’étouffer l’affaire : “Cette information hautement sensible et confidentielle est soumise au secret bancaire islandais. Toute divulgation de ces informations est strictement interdite et passible de peines de prison, selon la loi islandaise”.
Cependant, devant la colère du peuple islandais, la Première Ministre islandaise, Johanna Sigurdardottir, a déclaré : “Il n’est pas possible, dans la situation que connaît actuellement notre société, où tout doit être ouvert et transparent, d’utiliser le secret bancaire pour dissimuler des abus du marché. Nous avons donc examiné la possibilité de réviser la législation sur le secret bancaire.
Le 20 juillet, l’Etat islandais avait annoncé son intention de renflouer à hauteur de 1,5 milliard d’euros les trois principales banques islandaises nationalisées en octobre.
Un accord prévoit que la quasi-totalité du capital de deux banques, Islandsbanki (ex-Glitnir) et New Kaupthing, soit rendue à des actionnaires.

Je vous invite à écouter Frédéric Lordon, économiste, chercheur au CNRS. Il est un des rares à avoir prévu la crise financière qui éclate en octobre 2008 : Quand la finance prend le monde en otage (Le Monde diplomatique, septembre 2007).
M. Lordon est clair, intelligent, intelligible (!). Etat des lieux :

Frédéric Lordon commence par évoquer le contre-sens du plan français qui ne garanti pas les prêts interbancaires, mais la structure publique de refinancement des banques, ce qui allonge la maturité des banques centrales, au-delà de ce qui est autorisé par la BCE. Et d’admettre des classes de titres inéligibles aux guichets de la BCE.
C’est coûteux, et les ressources de ce fonds sont plafonnées (320 Mds).
Une intervention de refinancement bancaire est l’affaire des Banques Centrales, et non d’un fonds !
Frédéric Lordon nous demande de réserver nos cris de joie qui célèbreraient la sortie de crise !
Les causes originelles du stress bancaire (les pertes originelles des crédits hypothécaires) sont loin d’être dissipées.
Les facilités publiques qui ont été ouvertes vont être intensément sollicitées; ce qui risque d’induire des interrogations sur la solvabilité des dettes publiques; et de transormer une crise de finance privée en crise de finance publique, éventuellement compliquée de crise de change (crise monétaire). Les Etats se trouveraient, apparemment, en échec, et sans recours.
La poursuite de la réflexion sur les plans publics d’intervention passe par les Etats-Unis, à l’origine du problème :

  • Un premier plan Paulson, qui consiste en une politique de cantonnement (une politique de reprise des actifs pauvres),
  • Un plan Paulson 1bis, à base de garantie/recapitalisation (sur le modèle de ce que les européens sont en train de faire),
  • Une troisième formule n’a même pas été envisagée, ce qui ne manque pas de surprendre Frédéric Lordon : une caisse de refinancement de la dette hypothécaire des ménages. On propose, non pas de sauver les banques, mais de sauver les ménages pour sauver les banques

Cette 3ème formule, en détail :

  1. On subventionne les ménages, pour leur permettre de payer leurs dettes immobilières. Au lieu de contraindre les finances publiques à un choc monumental, la charge est étalée sur les échéanciers nominaux des crédits immobiliers, sur 20 ou 30 ans. On lisse alors l’effort des finances publiques sur 20 ou 30 ans.
  2. Restauration des ménages dans leurs situations d’emprunteurs, ce qui rétablit immédiatement la solvabilité de la dette hypothécaire; et donc ramène immédiatement les titres dérivés et dépréciés à leurs valeurs initiales
  3. Cela éteint immédiatement les pertes bancaires, les banques reconstituent leurs bases de capitaux propres, produisant ainsi, dans l’instant, le déblocage du marché.
  4. Cette réinstallation des ménages en emprunteurs solvables, et occupants de leurs logements, aurait des effets de légitimation politique d’une extraordinaire puissance (comme le plan Paulson 1 y était carencé, en témoigne le 1er rejet qu’il a essuyé à la chambre des représentants).

Le financement de cette caisse de refinancement hypothécaire doit être envisagé sur une base mondiale.
Si le foyer de la crise est bien aux USA, l’UE a contribué a propager cette crise. C’est donc un o-financement USA-UE, au prorata des pertes bancaires, qui pourrait être envisagé ; avec un effet puissant sur l’opinion financière.

Et pourtant.
Tel quel, ce plan demeurerait incomplet.
Les plans actuels ne sont que des packages d’aides à la finance, ce qui est insoutenable ! Les contreparties sont inexistantes !
Les contreparties sont pourtant indispensables pour sortir du dilemme que l’on appelle “le risque systémique”, qui ne laisse le choix qu’entre 2 solutions catastrophiques :

  • Secourir la finance et sauver les irresponsables,
  • Ne pas les sauver et aller à la ruine totale.

Ce dilemme a conduit à une solution très simple : la conditionnalité.
Certes il faut rattraper le finance privée, c’est notre intérêt vital. Mais ce rattrapage sera le dernier !
Et le secours aura pour prix la refonte radicale des structures de la finance, afin que jamais plus ceci ne se reproduise.

Quelques principes selon lesquels la reconstruction de la finance pourrait être reconduite :

  1. Le contrôle des risques est une chimère : la maîtrise du risque financier est un problème sans solution. La capacité des banques et des opérateurs doit être limitée avant qu’elle n’advienne.
  2. Quand une bulle est formée, il est trop tard. L’objectif stratégique de la re-réglementation est d’empêcher la reformation des bulles financières.
  3. La régulation financière doit abandonner le principe du “level playing field” (Level playing field est terme anglo-saxon désignant un environnement dans lequel toutes les entreprises d’un marché donné doivent suivre les même règles, et ont les même capacités à être compétitifs).
    La recherche de normes communes est nécessairement vouée à déboucher sur la valeur minimum de la régulation.
    Il faut considérer la régulation d’une zone plus restreinte à régulation supérieure, qu’il faut protéger.
  4. L’Europe est un espace d’activité financière autosuffisant. Par la diversité de ses classes d’actifs, par la profondeur et la liquidité de ses marchés, elle est la candidate naturelle à constituer une zone financière régulée, et protégée.
    Cela suppose l’abrogation immédiate de l’article 63 du traité de Lisbonne (« toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ») !

Frédéric Lordon nous fait quelques propositions :

  1. La détitrisation : (la titrisation est une technique financière qui consiste classiquement à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels que des créances – par exemple des factures émises non soldées, ou des prêts en cours – , en transformant ces créances, par le passage à travers une société ad hoc, en titres financiers émis sur le marché des capitaux. On transforme des actifs peu liquides, pour lequel il n’y a pas véritablement de marché, en valeurs mobilières, facilement négociables.).
    La titrisation est une innovation des années 90 – et dont les banques se sont passé avant ces 20 dernières années – et qui est directement responsable de la crise. Il faut donc l’interdire.
  2. La déleviérisation : on appelle levier (ou effet de levier) ce qui permet à un opérateur de prendre des positions au delà de ses ressources propres.
    Il faut d’abord interdire le levier d’endettement. Notamment les leviers accordés par les banques à leurs clients. il faut soumettre les banques à un ratio de leviérisation maximale autorisée.
    Il existe aussi une leviérisation “de marge”, qui exige des niveaux ridicules d’avances exigées pour prendre des positions sur les produits dérivés dans les marchés organisés.
    Il faut relever les niveaux “de marge” autorisés.
    Il faut reprendre le contrôle des entreprises de bourse (privées). Euronext, dont la chambre de compensation n’est autre que Clearstream, est une des entreprises de bourse majeure en Europe.
    Il faut procéder à la rupture des liens transatlantiques qui lient, par exemple, Euronext au NYSE.
  3. Politique monétaire : d’où viennent les liquidités qui alimentent la bulle ? D’abord des épargnes des salariés collectées par les grands investisseurs institutionnels (assureurs, fonds de pension, et pour une part très significative du crédit bancaire).
    Sur le crédit monétaire, la politique a vraiment prise par l’intermédiaire de la politique monétaire. On peut restreindre la finance par le resserrement de la politique monétaire. Mais l’économie réelle va mourir en même temps que la finance. Or la politique monétaire ne dispose que d’1 seul instrument, le taux d’intérêts, pour réaliser plusieurs objectifs : soutenir la croissance et compenser la spéculation financière.

Pour Frédéric Lordon, la solution existe : il faut dédoubler la politique monétaire.

  • un taux d’intérêt réel pour financer les crédits aux agents de l’économie productive,
  • un taux d’intérêt spéculatif pour le refinancement des crédits aux agents de l’économie financière.

Il est important, nécessaire, et vital de renationaliser le système du crédit et de la finance. On ne confie pas à des intérêts privés un bien public vital pour la société.
Une structure vitale pour la société (comme c’est le cas du nucléaire et de la monnaie), doit être agencée pour résister à des événements extrêmes.

nono
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nono a déjà publié un commentaire : voulez-vous lui répondre ?

  1. Août 2009
    7
    10 h 12

    Aujourd’hui, c’est Jean-Pierre Mustier, ancien responsable de la banque de financement et d’investissement de la Société Générale,qui est soupçonné par l’AMF de délit d’initié.
    En septembre 2008, à la suite de l’affaire Kerviel, Jean-Pierre Mustier avait quitté la direction de la banque de financement et d’investissement du groupe (SG CIB) et pris la tête du pôle gestions d’actifs et services aux investisseurs. Il est jugé par certains responsable de l’insuffisance des contrôles internes qui aurait permis à Jérôme Kerviel de prendre des positions non-autorisées.
    l’AMF reproche à Jean-Pierre Mustier de s’être séparé de l’intégralité de son portefeuille de titres et la moitié de ses actions Société Générale en août 2007, anticipant ainsi un dérapage des marchés.
    M. Mustier nie en bloc :”Je l’ai fait car je voulais avoir l’esprit totalement tranquille pour m’occuper des risques de la banque et ne pas avoir à me soucier en parallèle de mes actifs propres”.

    nono

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