
Malgré la totale confiance du PDG d'EDF, Jean-Bernard Levy, et
celle de Vincent de Rivaz, PDG de la filiale britannique EDF Energy, malgré l'engagement total du ministre de l'économie, Emmanuel Macron, la situation semble se retourner pour EDF à Hinkley Point, ce méga-projet estimé à environ 24 milliards €. C'est plus que la capitalisation d'EDF.
Alors que les pour et les contre s'affrontent au sein même d'EDF, l'opinion publique et les journaux anglais, auparavant favorables au projet, sont de plus en plus critiques et défavorables à ce projet.
Les pour :
Les contre :
- Le projet est conditionné à une aide de l'État français : "Nous négocions actuellement avec l'État pour obtenir des engagements de sa part nous permettant de sécuriser notre situation financière. [...] Il est clair que je n'engagerai pas EDF dans ce projet tant que ces conditions ne seront pas réunies (Jean-Bernard Levy, PDG d'EDF)." La France et les contribuables français vont donc financer les deux EPR anglais ;
- EDF et l'État français assumeront l'essentiel des coûts et des surcoûts, et EDF devra rembourser plusieurs centaines de millions € à CGN, le partenaire chinois, en cas de retard ;
- Un recours juridique a été déposé par l'Autriche, auquel pourrait s'associer l'Allemagne pour le financement de l'énergie nucléaire en Angleterre par les contribuables anglais - tarif garanti - et français - investissement;
- EDF va céder les droits de propriété intellectuelle qui seront attachés au Hualong, le réacteur EPR chinois qu’EDF est prêt à aider à certifier à Bradwell ;
- Le Royaume-Uni économiserait entre 40 Mds € et 50 Mds € en investissant dans les renouvelables plutôt que dans les EPR jusqu'à la fin de l'exploitation estimée ;
- C'est la 1ère fois dans l'histoire d'EDF qu'un projet rassemble l'unanimité des syndicats CONTRE lui. C'est le cas du projet d'EPR d'Hinkley Point, en dénonçant le risque de faillite du groupe ;
- Le projet fait l'objet d'une opposition d'une courte majorité des administrateurs d'EDF, dénonçant dans un document confidentiel dévoilé au JDD, les risques cachés du projet, et la clé de bras des chinois. Un administrateur explique pourquoi les conditions ne sont pas réunies, et que la situation financière du groupe est désormais fragilisée. Mais pour le directeur exécutif d'EDF en charge du parc nucléaire, Dominique Minière, "les décisions ne sont pas à prendre à cinquante, c'est une seule personne qui prend les décisions et c'est une seule personne qui les assume derrière."
Cette personne, le PDG d'EDF épaulé du ministre Macron, prendra-t-elle en charge les hausses d'impôts et de tarifs des français pour financer une entreprise privée anglaise, lorsque l'argent manque pour sécuriser les installations en France, et développer les ENR ?
- Pour les ingénieurs d'EDF, il est apparu que "la conception initiale du modèle EPR [était] entachée de nombreux défauts, toujours non résolus. Les britanniques ont en outre demandé de nombreuses modifications, notamment sur le contrôle-commande du réacteur, ce qui va demander à l'ingénierie de un an à 18 mois d'études supplémentaires détaillées."
- La presse anglaise n'est pas en reste : EDF, soutenue par l’Etat français est un chaos financier avec des dettes élevées. Et les milliards de dépenses prévues pour Hinkley Point risquent de mettre l’entreprise encore plus à l’épreuve (the Economist)” - "la meilleure option serait d’abandonner complètement le projet. L’EPR représente une technologie qui n’a pas fait ses preuves et dont l’électricité sera vendue aux Britanniques à un prix extrêmement généreux. Les arguments pour renoncer à Hinkley Point sont de plus en difficiles à réfuter. (the Financial Times)” - “Finissons-en avec ce gouffre financier une bonne fois pour toutes. EDF ne peut pas se permettre de la construire, et la Grande-Bretagne ne peut pas se permettre d’acheter son électricité. Le gouvernement devrait annuler le projet. (Times)” - "la centrale serait “du même type que celles qui sont actuellement en construction en France et en Finlande. Elles ont des années de retard de construction et des dépassements budgétaires qui se comptent en milliards d’euros (The Guardian)”.
- Le chantier est prévu pour durer 6 ans, au-delà desquels EDF devrait verser des dommages et intérêts. Aucun EPR n'est en fonctionnement dans le monde, alors que leur construction a débuté en 2004 !
Les plus farouches opposants à réaliser dans l'urgence se retrouvent pourtant dans le camp d'EDF : après que les syndicats se soient inquiétés du risque de faillite du groupe du seul fait de ce projet, après que
le directeur financier du groupe, Thomas Piquemal ait démissionné de son poste pour "faisabilité à court terme" de ce projet, ce sont désormais les ingénieurs d'EDF qui demandent un délai de 2 ou 3 ans, et les administrateurs du groupe EDF sont favorables à ce report d'une courte majorité.
EDF devait n'être qu'un acteur minoritaire du projet. Mais la faillite d'Areva, due en grande partie à la faillite industrielle de l'EPR, a obligé EDF à reprendre le projet à son compte. L'EPR finlandais vendu à pertes devait être livré en 2009. La livraison est reportée à 2018. Pour l'instant.
L'EPR de Flamanville connait de tels déboires technologiques qu'on ne sait pas s'il pourra être en mesure de démarrer un jour. De plus, le défaut de la cuve de l'EPR de Flamanville a été détecté sur les EPR vendus à la Chine. Risque financier, industriel, et diplomatique, peut-être, en perspective. Les retards, déboires et malfaçons risquent tant de s'accumuler que le Directeur général de l'ASN,
Pierre-Franck Chevet se pose la question d'en arrêter la construction.
C'est sur la base de ce modèle initial, trop complexe, et mal conçu, qu'EDF veut désormais vendre au Royaume-Uni, avec une livraison en seulement 6 ans. Alors que l'EPR d'Olkiluoto, commencé en 2004, ne verra peut-être pas le jour en 2018.
Rien n'y fait, les deux PDG d'EDF et EDF Engergy et Emmanuel Macron et le gouvernement français veulent finaliser la vente dès le 11 mai 2016.
Nous sommes engagés dans un jeu de "je te tiens, tu me tiens par la barbichette", où aucun partenaire ne veut prendre l'initiative d'abandonner ce funeste projet et risquer de devoir payer aux autres d'éventuels dédommagements.
Le projet durera encore un certain temps, et coûtera fort cher, avant que l'opinion publique et les médias britanniques, les syndicats défavorables au projet, l'opposition politique britannique qui réclame un "plan B", et les recours juridiques n'y mettent fin.
Le 49.3 est une brutalité,
le 49.3 est un déni de démocratie,
le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire, mais il va se poursuivre ce débat parlementaire, d'une manière ou d'une autre.
François Hollande - 2006
Si le gouvernement prenait au prétexte de préoccupations d'urgence, de peur, la décision de recourir au 49.3, ce serait une violation des droits du Parlement.
[Le gouvernement] avait déjà fait passer le contrat nouvelle embauche par voie d'ordonnance. S'il s'aventurait à faire passer le contrat de première embauche par le 49.3, il ajouterait au mépris du dialogue social dont il a fait preuve, la violation du débat parlementaire
François Hollande - février 2006
Et puis ensuite il y a un vote. Je n'ai pas à présupposer qu'il serait tellement difficile qu'il conviendrait d'utiliser des méthodes contraignantes.
François Hollande - janvier 2015 sur la loi Macron
Bilan des courses ?
Des atteintes au droit de l’environnement en usant d'ordonnances qui contournent le débat public, l'usage des 49.3 répétés pour imposer
la loi liberticide sur le renseignement et la loi fourre-tout Macron (300 articles non débattus quand même), applaudie par le Medef qui estime en outre que le "49.3 est un bon choix".
49.3 :
- Brutalité,
- déni de démocratie,
- violation du débat parlementaire,
- mépris du dialogue social,
- mépris de la parole donnée.
Valls et Macron : robotiser pour créer plus d'emplois, faciliter les licenciements pour développer l'employabilité !
une petite vidéo parodique avant de rentrer dans le lourd du sérieux (ça repose d'avance)...
Pierre Gattaz et le Medef se sont engagés à créer 1 million d'emplois net d'ici 2020 contre le pacte de responsabilité.
Alors que le million d'emplois n'est pas là, malgré un financement public de 41 milliards € en allègements de charges, baisses de cotisations sociales et impôts pour les sociétés (41 000 € pour pour chaque emploi supposé), le Medef applaudit le pacte de responsabilité, et avance une nouvelle plateforme de revendications :
- pouvoir licencier en cas de stagnation ou de baisse du chiffre d'affaires, en cas de rupture technologique, de problème de trésorerie et de résultat ;
- mettre en place des contrats de projets, où l'employé serait embauché pour la durée d'un chantier, et automatiquement débauché à la fin du projet ;
- réduire les indemnités chômage en durée comme en montant ;
- des incitations fiscales aux entreprises par l'amortissement accéléré (*) ;
- une baisse de la fiscalité aux entreprises pour améliorer la compétitivité et l'attractivité pour les capitaux étrangers ;
- simplifier toutes les réglementations sociales et fiscales ;
- Pierre Gattaz : "Monsieur l'État, gardez votre argent, mais baissez le coût du travail, mais baissez la fiscalité, mais baissez les charges !" ;
- réduire les dépenses publiques ("la mère des réformes", sic) ;
- pour les salariés au smic, une rémunération plus faible mais compensée par une sorte de RSA, pour que cette rémunération ne soit pas toute prise par l'entreprise ;
Qu'est-ce que l'amortissement accéléré ?C'est une niche fiscale qui permet aux entreprises bénéficiaires de défiscaliser l'investissement en transformant les amortissements qui se déprécient dans le temps en charge exceptionnelle que l'entreprise fait passer dans son bilan. Le bénéfice de l'entreprise baisse du montant de la charge, l'entreprise ne paie pas d'impôts sur les bénéfices pour le montant de l'investissement.
Prenons l'exemple d'un supermarché qui souhaite robotiser ses caisses, dont l'usage se généralise : la caisse automatique ne sera plus amortie et dépréciée dans le temps, mais passera en directement en charge, et baissera le bénéfice du montant de l'investissement.
Imaginons maintenant qu'on permette de licencier les salarié-es en cas de baisse des bénéfices, il ne reste plus qu'à utiliser cette mesure pour licencier les caissières, qui, si l'on réduit le chômage en durée et en montant comme le souhaite le Medef, devront retrouver très vite un autre job de caissière dans une entreprise qui n'a pas robotisé.
Les entreprise qui ne réalisent pas, ou peu de bénéfice ne trouveront pas d'intérêt en cette niche fiscale, et subiront une concurrence exacerbée de leurs concurrents plus riches.
En 1996, le ministre de l'économie et des finances de l'époque, Jean Arthuis avait instauré une telle mesure d'amortissement accéléré avant de la retirer l'année suivante du fait de son coût prohibitif.

Face à cette avalanche de revendications patronales, et alors que la loi Macron I n'est pas encore passée, le ministre proposait de voter une loi macron II.
Prévue initialement pour cet été (pendant les chassés-croisés, peut-être en 49-3, ou avec l'apport des voix de droite), elle est finalement retoquée.
Cette loi reprenait les principales idées de Pierre Gattaz et du Medef :
- l'amortissement accéléré,
- la réforme du marché du travail en élargissant le nombre d'entreprises habilitées à négocier des accords de maintien de l'emploi, permettant de diminuer les salaires et le temps de travail ou d’augmenter le temps de travail sans augmenter les salaires ou encore de prévoir une nouvelle répartition des horaires de travail,
- Et enfin, l'idée de réformer le code du travail, avec des contrats de mission, les CDI "sécurisés" où l'on peut licencier en cas de baisse des bénéfices (au cas où l'on utiliserait la niche fiscale de l'amortissement accéléré, par exemple).
Il n'y manquait que le financement des salaires par "une sorte de RSA" pour contenter pleinement le patron du Medef...

Pourquoi cette loi ne passera pas :
- Parce que les élus du PS, et surtout leurs électeurs ont déjà dû avaler bien des couleuvres au nom de la réforme du PS face à la gauche archaïque : parti socialiste en 2012, il est devenu social-démocrate avec François Hollande, social-libéral à l'arrivée de Valls, et le voilà qui arrivait à se transformer en ultra-libéral avec Emmanuel Macron. Les élu-es et leurs électeurs auraient eu du mal à accepter ce qui n'est plus une réforme, mais une volte-face.
- Parce que pour réformer les mesures sociales concernant le marché du travail, il fallait passer par une négociation entre partenaires sociaux, comme c'est inscrit dans la loi Larcher. Cela rendait la loi caduque d'avance. Et en cas de réussite, c'est tout le marché de l'intérim qui était totalement court-circuité. Et bien sûr, des plans de licenciements à n'en plus finir, quittes à réembaucher aux nouvelles conditions ensuite.
- Parce que les niches fiscales relancent effectivement la croissance et l'investissement en ce cas, mais d'une part, ruineraient plus encore l'État l'année suivante, ne favorisent que les entreprise en bonne santé, et la robotisation concurrence directement les salariés humains. Financer totalement l'investissement par la fiscalité, pour des moyens de production exemptés de charges revient à tendre encore plus le marché du travail, et si la compétitivité des entreprises est effectivement augmentée, c'est par l'augmentation de la dépense publique, et au détriment d'une compétitivité en baisse pour les salarié-es humain-es.
- Parce que reprendre directement les propositions du patron du Medef dans une loi socialiste, ça finit pas se voir...
François Hollande se voulait Gerhard Schröder, Valls pouvait se prendre pour Tony Blair, et Macron a dû rêver d'être Thatcher, sauce camembert.
Ce sera pour une prochaine fois, il ne reste que 2 ans avant les présidentielles, et il y a des alternatives !