Ce billet évoque "une gestion dramatique des personnels" au sein de la mairie de Vernon. Une gestion qui se serait dégradée, et, selon le délégué syndical Laurent Dupré, une tension grandissante, un fonctionnement interne fortement répressif, et des pressions exercées sur les agents et les chefs de service. La CGT dénonce des règlements intérieurs qui ont été modifiés pour ne retenir que les mesures disciplinaires et plus les récompenses, un avancement discrétionnaire, des pressions et de la souffrance au travail sur le site de Loris.
Dans un souci d'équilibre, Loris donne la parole au maire, Philippe Nguyen Thanh, et à Jean-Luc Piednoir, 1er adjoint chargé du personnel, représentant de l'Union Régionale des syndicats CFDT H-N, et assesseur au conseil des Prud'hommes, qui nie point par point les affirmations des syndicalistes CGT. Pour Jean-Luc Piednoir, ce qu'ont raconté les syndicalistes est faux de A à Z.
La parole était donnée ensuite aux alliés de la majorité, et Jean-Luc Lecomte, adjoint communiste à l'urbanisme, s'est" dit inquiet par rapport au respect du personnel, de la loi et pour la santé des agents.
Voilà qui ne pouvait pas plaire au maire de Vernon. La mise en cause de la gestion du personnel, l'évocation de la lutte entre la CGT et la CFDT sur fond de souffrance au travail, et aussi les interrogations sur le fait que la direction générale des services gèrerait les instances paritaires, c'en était trop pour le maire M. Nguyen Thanh.
Loris Guémart a alors reçu
deux courriers signés par le maire de Vernon, émanant du service juridique, intimant l'auteur de supprimer toute référence aux noms et prénoms des fonctionnaires cités, quelles que soient leurs fonctions, dans tous les articles de ce blog, au nom de la protection fonctionnelle.
La protection fonctionnelle
L'article 11 de la loi statutaire n°83-634 du 13 juillet 1983 prévoit :
"Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire.
Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.
La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.
La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle.
La collectivité publique est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé. Elle dispose, en outre, aux mêmes fins, d'une action directe qu'elle peut exercer au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale. Les dispositions du présent article sont applicables aux agents publics non titulaires".
"L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 évoque expressément une série d’atteintes portées aux agents pour lesquelles la protection fonctionnelle doit être engagée (violences,
menaces, injures, propos ou écrits diffamatoires, etc.). Mais cette liste n’est pas exhaustive : toute atteinte portée à un fonctionnaire, du fait de cette qualité ou à l’occasion de ses fonctions, ouvre droit à la protection.
Peu importe la forme prise par les attaques dirigées contre l’agent. Elles peuvent être verbales comme des injures, des calomnies ou des menaces. Elles peuvent être écrites et contenues dans des lettres anonymes, des tracts, des articles de presse ou des ouvrages. Elles peuvent être matérielles comme l’atteinte portée aux biens de l’agent par détérioration, destruction, vol, spoliation ou pillage (CE 6 novembre 1968, Benejam). Elles peuvent porter atteinte à l’intégrité physique de l’agent comme une séquestration ou des coups."
"L’article 11 ne définit pas les moyens à mettre en œuvre pour assurer concrètement la protection des agents publics. C’est donc à l’administration de définir au cas par cas les moyens les plus appropriés afin de respecter l’objectif de protection de l’agent. Aucune prescription n’existe en ce domaine autre que celle, non écrite, résultant de l’effectivité de l’intervention administrative.
L’autorité administrative peut ainsi diligenter une enquête interne confiée, par exemple, à un corps d’inspection ; elle peut même faire appel à la force publique pour protéger l’agent en danger. Vis-à-vis de l’extérieur, l’administration emploie, selon la gravité des attaques portées contre l’agent, différentes voies telles que la lettre d’admonestation à l’auteur des attaques, l’entretien de l’autorité hiérarchique du fonctionnaire attaqué avec l’agresseur, le communiqué de presse ou le rectificatif de presse, le soutien juridique et financier (aide dans la recherche d’un avocat, prise en charge des frais de justice) dans une action en justice ou l’action en justice directe."
Y a-t-il de la part de l'auteur du billet attaque, menace, injure, calomnie ou diffamation ?. Loris Guémart défend
le droit d'informer. Si oui, c'est pour diffamation ou injure qu'il faut attaquer en justice. Attaquer les auteurs des injures, calomnies ou diffamations.
Devant la menace d'un procès, Loris a préféré obtempérer, et retirer les noms des fonctionnaires cités, que les noms soient publics ou même que ceux-ci aient donné leur autorisation de les citer. Ansi la défense fonctionnelle pourrait s'appliquer même contre l'accord des intéressés ?
Alors, comme dans "la disparition" de Georges Pérec, ce roman de plus de 300 pages écrit sans employer une fois la lettre "e", il faudra bien du talent aux blogueurs vernonnais pour se faire comprendre de lecteurs qui, eux, connaissent les personnes.
Comme le rappelle le blogueur, très attaché à l'open-data, les données sont publiques, et publiques sur le site même de la commune, sur la page
services municipaux, dans la rubrique mouvements du Paris-Normandie, dans l'article intitulé
Isabelle Jollivet-Perez, et que d'autres blogs ou sites, sur
caméra diagonale,
Vernon réussite,
normandieonline, etc.
Lisons ce qu'en pense maître Eolas dans un billet sur
la responsabilité des blogueurs. Manifestement, il n'y a pas injure. Y a-t-il diffamation ? Définition :
"toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé". Je ne vois pas en quoi il est porté atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne. Surtout à n'écrire que les nom et prénom, alors que la personne est identifiable de toutes façons par la fonction, unique. L'appréciation sera laissée au juge.
Reste l'atteinte à la vie privée. La vie privée de la DGS n'est même pas évoquée.
"Les conditions de la protection : - tenant aux personnes protégées : arrêt de principe du 23/10/90 = toutes les personnes sont protégées. Mais il existe des exceptions : la personne donne son consentement de façon expresse ou tacite. La circonstance dans laquelle une personne publique se trouve dans un lieu public, ne peut pas être interprétée comme un consentement tacite. La divulgation d'une information faite par l'intéressé ne saurait valoir consentement à sa reprise ; les autorisations antérieures ne permettent pas non plus de considérer que le consentement est permanent. Les divulgations antérieures faites sans le consentement de l'intéressé ne peuvent être reprises que si elles ont été portées à la connaissance du public par un compte rendu de débat judiciaire. Les exigences de l'information mettent deux droits en conflit : C.cass 23/10/90 = l'article 10 de la CEDH qui garantie la liberté d'expression comporte des limites, dont celle du respect de la vie privée."
En effet, "les divulgations antérieures faites sans le consentement de l'intéressé ne peuvent être reprises que si elles ont été portées à la connaissance du public par un compte rendu de débat judiciaire". Or, la connaissance des nom et prénom n'a pas été porté au public par un compte-rendu de débat judiciaire.
Tout d'abord, le fondement de ce sur quoi se fonde le jugement : "Selon une jurisprudence constante, il est établi que toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même les limites de ce qui peut-être révélé au public. L’autorisation expresse ou tacite de la personne est ainsi nécessaire pour pouvoir divulguer un élément relatif à sa vie privée."
Au delà du caractère spécifique en matière de sécurité des fonctions des policiers de la BAC, c'est la divulgation de l'information, c'est à dire de dévoiler ou de rendre publique l'information, qui est jugée. Dans le cas de Loris, il n'y a pas de divulgation, puisqu'il suffit de faire une recherche sur google en tapant "DGS Vernon", les résultats sont éloquents.
Au final, qu'a-t'on ?
- Il est difficile d'en appeler à la protection fonctionnelle, car je ne vois là ni menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages. C'est donc à la Directrice Générale des Services elle-même de faire valoir son droit à la vie privée, ce me semble. L'a-t-elle fait ?
- Il n'y a pas de divulgation d'information. même si "la divulgation d’une information faite par l’intéressé ne saurait valoir consentement à sa reprise", ici ce n'est pas une information sur le nom qui provient de la personne et est reprise sans son consentement. C'est une information disponible par une simple recherche sur un moteur, et disponible sur le site de la mairie, comme sur de nombreux autres sites.
- Enfin, le maire ne peut pas protéger les fonctionnaires qui sont sous sa responsabilité malgré eux, quand bien même l'accord est donné directement de la personne. Le nom est cité dans une réunion publique, en l'occurrence une conférence de presse, c'est de bonne foi que l'impétrant aura repris ce nom. Lorsque des fonctionnaires participent à des séances publiques, c'est le public qui l'emporte sur le privé. Dans la limite de la loi.
Pire : voulant empêcher un blogueur de faire son travail selon sa conscience, il crée un buzz autour de l'événement. L'objectif est loupé, pour le moins.
Mais pourquoi s'en prendre à Loris Guémart ? Est-il la cause des maux qui accablent la municipalité de Vernon ? Ou n'en est-il que le témoin, qu'il faut faire disparaître tant que faire se peut ?
La maison brûle à Vernon, et plutôt que de vouloir éteindre les sites qui suivent l'événement, c'est sûrement le feu qu'il faudrait éteindre.
Cette tentative d'intimidation est la preuve de l'utilité et de l'importance de ton travail, Loris. Continue.
Bien à toi.
P.S. (oups, désolé) : si des juristes, d'aventure, pouvaient répondre à ces questions, ce serait une aide pour ceux qui font l'information locale souvent, comme Loris, sans statut de journaliste, mais avec une pression et des interrogations grosses comme ça. Ca aiderait à faire, et à éviter de défaire.