Le colloque "L'Eure dans le Grand Paris" a eu lieu le 17 janvier à l'hôtel du Département, à Evreux. Les personnalités politiques locales et régionales étaient présents (Jean Louis Destans, Laurent Beauvais, Alain Le Vern, Jean-Pierre Nicolas, Laurent Fabius, Antoine Rufenacht, Franck Martin, Michel Champredon, Philippe Nguyen Thanh,...), des personnalités du monde économique, représentant entre autres la CCI, SANOFI-Pasteur, la SNECMA... Et il y avait le préfet Jean-Pierre Duport, président du comité de pilotage pour le débat public pour la Ligne nouvelle Paris-Normandie. Puisque ce sujet sera au centre des échanges.
Les atouts et handicaps de l'Eure
Les atouts : |
- Territoire jeune, évolution démographique positive
- Attractivité du territoire, solde migratoire positif
- Filières économiques dynamiques (chimie-pharmacie, cosmétique, automobile, aéronautique et logistique)
- L’axe séquanien, formidable atout et moteur potentiel du développement et de l’attractivité économique de l’Eure
- Dynamiques intercommunales et partenariales propices à la réalisation de projets de développement local.
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Les handicaps |
- Position «d’entre-deux ».
- Absence de métropoles structurantes
- Déséquilibre entre les «actifs entrants» et les «actifs sortants» quotidiennement du département
- Risque de marginalisation géographique, notamment dans la perspective de la réalisation de la LNPN
- Un département coupé en trois entre l’est et le nord sous forte influence métropolitaine (Paris et Rouen notamment), et l’ouest tourné davantage vers les espaces littoraux et ruraux.
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Bassin parisien : de l'aménagement à la "coopétition". (Une analyse de Philippe Estèbe, directeur de l'institut des hautes études de développement et d'aménagement des territoires en Europe, et professeur à l'IEP Paris.)
Philippe Estèbe distingue 3 périodes au cours des 50 dernières années : 1. tout d'abord, l'Eure entre dans une "logique d'ateliers spécialisés" qui bénéficiera du desserrement industriel parisen. 2. Dans les années 80-90, le bassin parisien est conçu comme un frein au développement, et le département se repliera pour se protéger. 3. Puis nous sommes mis à concevoir le bassin parisien comme un territoire-ressource - c'est lui qui est chargé d'assurer les bonnes connexions avec les territoires périphériques dans l'enseignement, la recherche et la logistique - , avec lequel on fabrique une "métropolisation à double-sens". Pour profiter de la force du partenaire, nous valorisons les interdépendances territoriales, et non plus le seul développement local.
"le pilotage devient plus complexe", dit Philippe Estèbe, "mais plus intéressant dans la mesure où les collectivités se placent dans une logique de responsabilité territoriale générale."
Il parle alors de "coopétition" : "Quels sont les points sur lesquels j'ai intérêt à m'entendre avec mes voisins pour neutraliser la concurrence, et quels sont ceux sur lesquels j'ai intérêt à entrer en compétition avec mes voisins car cela permet un gain supérieur à la somme des stratégies localisées ?"
Stratégie partenariale
Le Département de l'Eure a défini 7 priorités de développement afin de bénéficier de la dynamique créée par le «Grand Paris» :
- Développer l'activité logistique entre Le Havre et Paris
- Développer des zones tertiaires à proximité immédiate des gares (en direction de Paris)
- S'inscrire dans les logiques économiques de métropolisation en confortant nos secteurs de recherche et développement
- Renforcer les investissements touristiques le long de l'axe Seine
- Développer une agriculture durable à valeur ajoutée
- Développer les territoires d'équilibre
- Conforter/développer les infrastructures indispensables à ce développement
On l'aura compris, même si l'accent est mis sur le cadre de vie et le bassin d'emploi, tout le débat tournait autour de la ligne grande vitesse qui reliera le Grand Paris au Havre. Je vous invite à lire le billet de José Alcala sur
L'Eure veut sa part dans le grand Paris. Une ligne qui a largement oublié l'Eure, ce territoire "entre-deux", et qui ne bénéficie pas de métropole structurante...
Les réactions des acteurs économiques et politiques :
Les
acteurs économiques sont globalement d'accord avec les 7 axes développés par le Département de l'Eure. Pour eux, les investissements dans l'infrastructure qui permettent les échanges, le train en particulier, et l'internet, est crucial [NdR : nous sommes assis sur un véritable fleuve numérique, avec notamment
3 datacenters, dont l'un des plus grands d'Europe, qui abreuvent Paris de données, là où nombre d'habitants et d'entreprises locales sont laissés à l'écart du très haut débit, voire du haut débit.]
Quelques réactions :
Bernard Boudot, directeur chez Sanofi Pasteur, à Val de Reuil : "Le cadre de vie est déterminant. 75% de nos 1.800 collaborateurs sur le site habitent dans l'Eure [...] La question des infrastructures est également importante car nous avons des flux de distribution physiques [...] Nous enregistrons également 3 000 déplacements professionnels de nos collaborateurs par an, d'où la nécessité de pouvoir compter sur de bonnes infrastructures [...]"
Thierry Delaporte, directeur d'établissement de Snecma Vernon : "L'une de nos ambitions est de pouvoir nourrir des échanges réguliers au quotidien, aux niveaux européen et mondial. Faciliter les communications dans la région de Vernon est donc crucial [...]"
Gilles Treuil, président de la CCI de l'Eure : "L'enjeu infrastructure est fondamental, qu'il s'agisse du routier, du ferroviaire ou même de l'accès au haut débit internet [...]
Nicole Orange, vice-président de l'Université de Rouen, directrice du laboratoire de microbiologie du froid à l'IUT d'Evreux : la formation, elle a été pensée en fonction du besoin industriel. Il faut maintenant regarder les métiers d'avenir et se tenir prêts [...]
Pour le préfet Jean-Pierre Duport, président du comité de pilotage pour le débat public pour la Ligne nouvelle Paris-Normandie, "tous les départements concernés par le Grand Paris avaient leur place dans la réflexion concernant la ligne nouvelle". "Les régions normandes doivent réagir. Le projet de ligne nouvelle à grande vitesse offre une occasion de se poser les bonnes questions et faire en sorte que les migrations quotidiennes qui sont aujourd'hui très importantes de Normandie vers Paris se fassent dorénavant de façon plus équilibrée."
Dans le même temps, il affirme qu'il respectera le cahier des charges qui lui a été soumis et dont l'objectif est de mettre Paris à 45' de Rouen et à 1h15 du Havre et de Caen. La LNPN (ligne nouvelle Paris-Normandie) ne sera pas qu'une ligne LGV, mais aussi une ligne LGE (ligne grand écart, avec des trains qui mettrons 45 minutes pour faire Paris-Rouen, tout en desservant notre département...)
"Cela ne nous empêche pas d'atteindre nos objectifs et c'est ce qui va conditionner la participation de la région à l'Ile-de-France, avec des améliorations induites pour Vernon et Evreux."
Quelques réactions parmi les personnalités politiques régionales présentes ;
Laurent Beauvais, président de la Région Basse-Normandie : Chacun des territoires apporte sa contribution pour échafauder une vision commune. [...] Il faut construire sur les questions portuaires, d'enseignement supérieur, économiques, environnementales. [...]
Alain Le Vern, président de la Région Haute-Normandie : "La notion de Grand Paris heurte mon esprit [...] La priorité pour nous à l'horizon 2020 est de régler la question du nœud ferroviaire de Rouen qui bloque l'ensemble du réseau haut-normand."
Michel Champredon, président du Grand Evreux Agglomération : "Je milite en tout cas pour la réalisation du «Y» dans l'Eure, de façon à permettre à la ville-préfecture du département d'être confortée, tout comme les autres pôles urbains de l'Eure."
Philippe Nguyen Thanh, maire de Vernon : "Je ne veux pas être simplement transpercé par cette voie mais en récupérer des bénéfices."
Franck Martin, président de la communauté d'agglomération Seine Eure : "Il n'y a pas de centre de décision global et unique pour la Normandie. [...] Il ne faut pas considérer la LNPN comme une ligne Paris/Rouen/Le Havre, mais comme une ligne Le Havre/Milan/Rouen/Düsseldorf."
Jean-Pierre Nicolas, député de l'Eure : "[...] Nous avons surtout besoin d'un meilleur cadencement et de trains qui partent et arrivent à l'heure et soient plus confortables."
Antoine Rufenacht, président du comité des élus de l'estuaire de la Seine : "L'ambition c'est de prendre acte de l'importance stratégique de nos ports. Il faut faire en sorte que l'axe Seine puisse se positionner et que notre pays ne soit pas seulement approvisionné par Anvers, Rotterdam et Hambourg. Nous n'aurions jamais parlé de LGV sans cet objectif portuaire."
Laurent Fabius, président de la communauté d'agglomération Rouen Elbeuf Austreberthe (CREA) : "[...] Mais ce projet ne peut être dissocié du contournement A28/A13. L'axe Rouen-Evreux ne doit pas non plus être oublié."